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Bibliographie annotée

Une revue systématique de la littérature de recherche

Bennett, K.; Rhodes, A.; Duda, S.; Cheung, A.; Manassis, K.; Links, P.; Mushquash, C.; Braunberger, P.; Newton, A.; Kutcher, S.; Bridge, J.; Santos, R.; Manion, I.; McLennan, J.; Bagnell, A.; Lipman, E.; Rice, M.; and Szatmari, P. (2015). A youth suicide prevention plan for Canada: A systematic review of reviews. Canadian Journal of Psychiatry, 60(6), 245-257.

Cette revue systématique de la littérature de recherche sur la prévention du suicide chez les jeunes examine des essais randomisés contrôlés (ERC) et des études contrôlées de cohortes. Elle ne porte pas particulièrement sur les populations autochtones. Les auteurs ont examiné des interventions en milieu scolaire et en milieu non scolaire auprès de jeunes âgés de 24 ans et moins.

Ils n’ont pas trouvé de preuves à l’effet que les interventions en milieu scolaire diminuent le nombre de suicides; ils ont cependant conclu qu’elles peuvent réduire les tentatives de suicide et les idées suicidaires. « Comme le récent ERC fait ressortir une tendance à la hausse des idées suicidaires chez les Autochtones qui participent à la formation de sentinelles (gatekeepers) ASIST (une formation appliquée en techniques d’intervention face au suicide), il est nécessaire d’évaluer à la fois les bienfaits et les risques des interventions avant d’en généraliser l’application » (p. 255).

Dans l’ensemble, les conclusions de cette étude suggèrent qu’il n’existe pas suffisamment de données probantes pour faire des choix éclairés en matière d’intervention de prévention du suicide chez les jeunes. Des recherches plus poussées, sur les Autochtones en particulier, s’avèrent nécessaires. Les auteurs affirment : « À ce stade-ci, nous recommandons que nos collègues inuits, métis et des Premières Nations, nos collaborateurs cliniques et de recherche non autochtones, ainsi que les fournisseurs de services communautaires passent en revue nos conclusions générales [une synthèse accélérée des connaissances] et qu’ils examinent ensuite leurs propres facteurs culturels et contextuels uniques au moment de formuler des conclusions se voulant pertinentes pour les besoins des jeunes dans leurs communautés. Nous reconnaissons et appuyons également le besoin d’initiatives de prévention du suicide initiées et encadrées par la communauté, y compris des ressources d’évaluation, de sorte que les besoins contextuels et culturels uniques des communautés autochtones soient respectés et intégrés dans une planification à court et long terme » (p. 254).

Clifford, A.; Doran, C.; & Tsey, K. (2013). A systematic review of suicide prevention interventions targeting Indigenous peoples in Australia, United States, Canada, and New Zealand, BioMed Central Public Health, 13, 463-474.

Grâce à une revue systématique de la littérature, les auteurs ont relevé neuf publications d’évaluations d’interventions ciblant les peuples autochtones d’Australie, des États-Unis, du Canada et de Nouvelle-Zélande. Les interventions incluaient de l’information, une formation de sentinelles et des approches de prévention communautaires.

Bien qu’il n’existe pas suffisamment de données factuelles sur les approches les plus efficaces en matière de prévention du suicide, les auteurs font des recommandations à partir de leur revue de littérature. Premièrement, ils préconisent des partenariats efficaces entre les gouvernements et les organismes de recherche, les fournisseurs de soins de santé et les services de santé autochtones. Deuxièmement, ils recommandent la collecte d’une plus grande quantité de « données factuelles autochtones » et de procéder à davantage d’évaluations de programmes de prévention du suicide adaptés à la culture. Troisièmement, les auteurs prônent une approche coordonnée des interventions qui abordent une série de facteurs de risque communs, plutôt que de s’attaquer au suicide isolément, et insistent pour que ces interventions soient élaborées de concert avec les communautés autochtones.

Fast, E. & Collin-Vezina, D. (2010). Historical trauma, race-based trauma, and resilience of Indigenous peoples: A literature review. First Peoples Child and Family Review, 5(1), 126-136.

Cette revue de littérature se propose de faire un rapprochement entre deux domaines de recherche : d’une part, celui qui s’intéresse aux impacts du colonialisme (touchant généralement les populations autochtones) et d’autre part, celui qui s’intéresse à la résilience chez certains peuples, communautés et nations.

Elle met tout d’abord l’accent sur les inégalités entre les populations autochtones et non autochtones en général, soulignant et examinant un certain nombre de politiques et pratiques colonialistes pour expliquer ces inégalités. Elle examine ensuite un certain nombre de discours entourant le traumatisme, en commençant par ceux qui tendent à appréhender le traumatisme par la lorgnette de la psychologie, passant ensuite à ceux dont les conceptualisations sont davantage politiques et complexes, incluant le traumatisme historique.

Cela ouvre la voie à une discussion sur les réactions résilientes face au traumatisme et à la discrimination, ces réactions étant en soi plus politiques que psychologiques, elles font également appel à des éléments tels l’autonomie et un renouveau culturel et spirituel. Les auteurs insistent pour que davantage soit fait pour reconnaître non seulement l’expérience des pensionnats, mais aussi la perte systémique du territoire, de la langue et de la culture, en raison de leur impact sur le traumatisme et la résilience.

La recherche actuelle démontre que la culture est un facteur de protection pour les peuples et les communautés autochtones et soutient « les cadres théoriques des traumatismes intergénérationnels, historiques et raciaux » (p. 134). Les auteurs reconnaissent les limites de la documentation de recherche existante et proposent que davantage de recherches soient menées auprès de communautés urbaines, éloignées ou isolées, et de personnes vivant hors réserve.

Harder, H.; Rash, J.; Holyk, T.; Jovel, E.; & Harder, K. (2012). Indigenous youth suicide: A systemic review of the literature. Pimatisiwin: A Journal of Aboriginal and Indigenous Community Health, 10(1), 125-142.

Cette revue systématique commence par une contextualisation de la question du suicide chez les jeunes autochtones au niveau mondial et historique. Elle vise à évaluer la rigueur de la documentation de recherche existante et l’importance relative des facteurs de risque et de protection des études existantes, en mettant un accent particulier sur la culture. Seuls 23 articles répondaient aux critères d’inclusion dans cette revue. Parmi les études examinées, on a relevé quatre forces méthodologiques : « (1) la participation de la communauté; (2) les bancs d’essai; (3) l’assurance de l’exactitude des données; et (4) le contrôle ou la limitation des influences extérieures » (p. 132).

Pour ce qui est des facteurs de risque et de protection, il n’y avait pas suffisamment de données pour faire une analyse statistique. Cependant, les deux plus grands facteurs de risque étaient la dépression et la tentative par un ami de s’enlever la vie. Le soutien (social ou familial) était le plus important facteur de protection répertorié, tandis qu’une forte estime de soi représentait simplement une variable de la personnalité. Seuls six des articles examinés présentaient suffisamment de données pour permettre l’analyse du rôle de la culture. Cette revue a démontré que malgré la relative importance de la continuité culturelle, ses effets sur les taux de suicide chez les jeunes Autochtones sont plus complexes qu’on aurait pu le croire au premier abord.

Nasir, B.; Hides, L.; Ranmuthugala, G.; Nicholson, G.; Black, E.; Gill, N.; Kondalsamy- Chennakesavan, S.; Toombs, M. (2016). The need for a culturally-tailored gatekeeper training intervention program in preventing suicide among Indigenous peoples: A systematic review. BioMed Central Psychiatry, 16, 357-365.

Les auteurs ont répertorié des articles de recherche publiés entre 2000 et 2016 portant sur les programmes de formation de sentinelles ciblant les populations autochtones de tous les pays. Leur recension a fait ressortir 2 609 articles, dont six répondaient entièrement à leurs critères d’inclusion. Ces articles présentaient en détail cinq études de formation de sentinelles au Canada, aux États-Unis et en Australie.

L’analyse de ces articles a particulièrement porté sur la pertinence culturelle de la formation de sentinelles et sur son efficacité. Cette efficacité a été partiellement corroborée du fait qu’elle ait été principalement mesurée du point de vue des changements d’attitude et non de comportement. Fait important parmi les études examinées, un essai randomisé contrôlé n’a produit aucune preuve de l’efficacité de la formation de sentinelles. Il est à noter que parmi les études examinées, aucune n’avait évalué l’effet de la formation des sentinelles sur les tentatives de suicide, et une seulement avait adapté le modèle à la culture.

Les auteurs concluent que les preuves non contrôlées suggèrent que la formation de sentinelles pourrait être utile pour la prévention du suicide dans les communautés autochtones, mais : (a) qu’elle doit être adaptée à leur public cible, et (b) qu’il est nécessaire de mener davantage de recherches sur l’efficacité des approches adaptées à la culture.

Ridani, R.; Shand, F.; Christensen, H.; McKay, K.; Burns, J.; & Hunter, E. (2015). Suicide prevention in Australian aboriginal communities: A review of past and present programs. Suicide and Life-threatening Behaviour, 45(1), 111- 140.

Cet examen des programmes de prévention du suicide chez les Autochtones d’Australie portait sur des articles publiés entre 1998 et 2012, dont quarante-six ont été passés à la loupe. La plupart des programmes étaient axés sur les jeunes ou la communauté entière. Il y avait une diversité de programmes, notamment, de la formation, des ateliers et de l’expression créative. La plupart étaient dirigés par des organisations autochtones, souvent en partenariat avec des organismes externes.

Une lacune majeure relevée portait sur l’évaluation : « la majorité des programmes (63 %) n’ont fait aucune mention des effets du programme ou n’effectuaient que des évaluations de processus… Vingt-huit pour cent des programmes évalués ont mentionné des changements observés au fil du temps… Seulement un programme avait mesuré et déclaré une réduction des idées suicidaires » (p. 136).

La principale recommandation de cet examen était donc d’évaluer les effets des programmes, ce qui s’est révélé particulièrement important puisqu’on ne comprend pas encore clairement ce que les autres communautés font et ce qui fonctionne bien. Des méthodes de recherche adaptées à la culture sont recommandées.

Des études qui préconisent des interventions à l’échelle de la communauté

Alcantara, C. & Gone, J. (2007). Reviewing suicide in Native American communities: Situating risk and protective factors within a transactional-ecological framework, Death Studies, 31(5), 457-477.

Les auteurs commencent par discuter du problème des épidémies de suicides, faisant ressortir à quel point il est difficile d’en prévoir l’occurrence, et aussi la nécessité paradoxale d’en connaître le « traitement » avant leur survenance. Ils font ensuite un survol d’un certain nombre de facteurs de risque et de protection susceptibles d’aider les personnes ayant le plus besoin de soutien. Ils s’inspirent particulièrement d’un cadre transactionnel-écologique qui « cible les interactions entre les individus et leur environnement en fonction des trajectoires de développement menant à des résultats négatifs » (p. 460). Cette approche rejette à la fois la tendance à blâmer la victime et un modèle d’intervention axé sur la prévention des maladies, se concentrant plutôt sur des critères très larges pouvant entraîner (ou prévenir) des résultats indésirables (tels la toxicomanie, le suicide, l’échec scolaire) sans nécessairement avoir à prédire l’un ou l’autre d’entre eux.

En ce qui a trait à la prévention du suicide, cette approche a pour objet de rétablir des trajectoires saines chez les jeunes, sans devoir cibler (ou blâmer) tel ou tel individu. En général, cela « évite les interventions axées sur la personne, l’accent étant plutôt mis sur les échanges et même l’environnement » (p. 465). Détaillant les facteurs de risque et les facteurs de protection en matière de suicide, les auteurs proposent ensuite des interventions potentielles inspirées par ce cadre, qui supposent généralement l’établissement et le renforcement de facteurs de protection.

Allen, J., Hopper, K.; Wexler, L.; Kral, M.; Rasmus, S.; Nystad, K. (2014). Mapping resilience pathways of Indigenous youth in five circumpolar communities. Transcultural Psychiatry, 51(5), 601-631.

Cette étude présente les connaissances acquises auprès de cinq communautés circumpolaires et met plus particulièrement l’accent sur « les facteurs de stress qui rendent le passage à l’âge adulte difficile, et les processus de résilience qui en assurent la transition » (p. 602). Les histoires relatées éclairent quant à la façon dont les expériences de résilience des jeunes demeurent enracinées dans les pratiques culturelles traditionnelles, tout en y adoptant de « nouvelles stratégies » (p. 602).

Vingt jeunes interrogés dans chacun des cinq sites ont raconté leur histoire de passage à l’âge adulte. Ces jeunes étaient âgés de 11 à 19 ans et on a voulu une représentation équitable des sexes. Plutôt que de faire des généralisations à partir de ces diverses histoires de points de vue différents, on a les a plutôt représentées comme étant des « thèmes locaux importants » (p. 619). Cette façon de procéder démontre que les constructions prennent différentes significations selon le contexte.

Cette étude repose sur un processus de recherche-action participatif, en très grande partie conçu à partir de très longues collaborations de recherche. Il fait partie d’un processus à plus long terme dont l’objectif est de rehausser les ressources de recherche communautaires et de contribuer à un ensemble de connaissances ancrées dans la communauté et la culture. Dans cette étude, la résilience n’est pas perçue comme une vue de l’esprit, mais comme quelque chose qui s’explique en termes écologiques et est inspiré de la vision du monde autochtone : elle est orientée système et reconnaît que la résilience individuelle est en relation complexe avec de nombreux autres facteurs et déterminants sociaux de la santé.

Allen, J.; Mohatt, G.; Ching Ting Fok, C.; Henry, D.; & People Awakening Team. (2009). Suicide prevention as a community development process: Understanding circumpolar youth suicide prevention through community level outcomes. International Journal of Circumpolar Health, 68(3), 274-291.

Cet article part du fait que les modèles communautaires occupant une place de plus en plus proéminente dans le domaine de la prévention, « les résultats des programmes de prévention du suicide circumpolaire pourraient être beaucoup mieux compris à l’échelle communautaire » (p. 274). La présente étude se penche tout particulièrement sur un « programme de prévention du suicide et de l’abus d’alcool concomitant destiné aux jeunes Yup’ik ruraux de l’Alaska, en tant que processus de développement communautaire qui vise à leur donner des moyens de réussir dans leur milieu (p. 274).

Dans cette étude, la sécurité, l’interdiction de l’alcool, les modèles de comportement, le soutien et les possibilités pour les jeunes ont été évalués en tant que facteurs de protection communautaire. Les participants incluaient des témoins privilégiés, des jeunes et des adultes (un parent ou un parrain adulte du jeune). Divers outils ont été utilisés, y compris l’évaluation de l’état de préparation de la communauté avant et après les tests (effectuée à des rythmes différents selon l’éventail des participants) à un intervalle d’environ un an. Parmi les autres outils, se trouvaient une grille d’évaluation des facteurs de protection communautaire chez les adultes, une grille d’évaluation des facteurs de protection communautaire chez les jeunes, et autres.

Les observations primaires suggèrent que l’intervention a entraîné une augmentation du taux de préparation de la communauté et des facteurs de protection. La petite taille de l’échantillon ne revêt pas d’importance statistique, mais les auteurs reconnaissent qu’il s’agit d’une étude de faisabilité qui, lorsque prise dans le contexte d’autres recherches, offre un potentiel de résultats positifs au-delà de cette communauté également.

Andersson, N. & Ledogar, R. (2008). The CEIT Aboriginal youth resilience studies: 14 years of capacity building and methods development in Canada. Pimatisiwin, 6(2), 65-88

Cet article porte sur les méthodes utilisées dans un projet de recherche communautaire à grande échelle sur la résilience dans les communautés autochtones. Les communautés partenaires ont participé à la conception du projet, de sorte que celui-ci semblait diverger d’un endroit à l’autre; des membres de la communauté faisaient partie de l’équipe de chercheurs, malgré que cette implication divergeait également d’une communauté à l’autre. À chaque endroit, les enquêteurs étaient nommés par les membres de leur communauté (encore une fois, à travers des processus divergents). Un important élément d’information qui est ressorti de ce projet fut l’importance d’embaucher et de former également des coordonnateurs de recherche autochtones.

Les limitations des outils disponibles à ce moment-là pour mesurer la résilience a constitué un défi. Nombre d’entre eux se concentraient exclusivement sur les qualités individuelles et ne constituaient pas des « outils de résilience autochtones idéaux » (p. 67). Des changements ont alors été apportés pour inclure des considérations comme : « le sentiment de cohérence, la spiritualité, l’expérience et l’enculturation » et la fierté envers son propre patrimoine (p. 68). Les résultats comprenaient également un certain nombre de facteurs externes de résilience, tels que le sentiment d’être épaulé, le rôle des pairs, le soutien des parents et de l’ensemble de la communauté. Cette étude portait plus précisément sur la résilience par rapport à certains risques particuliers. Dans certains cas, le rapport a été établi et dans d’autres non, malgré que les auteurs aient indiqué clairement que cela ne signifiait pas qu’il n’en existait point. Un solide rapport a été établi entre le soutien des pairs et la résilience.

Avant de terminer, les auteurs attirent notre l’attention sur un « aspect négatif » de leurs observations (p. 76) : en certains endroits où il n’y a que peu de facteurs extérieurs (tel le soutien des pairs, des parents et de la communauté), cela peut engendrer un « capital social négatif » (p. 76) pouvant nuire grandement à la capacité des jeunes de faire preuve de résilience. Cela indique combien il est important d’effectuer des changements au niveau du système.

Chino, M. & DeBruyn, L. (2006). Building true capacity: Indigenous models for Indigenous communities. American Journal of Public Health, 96(4), 596-599.

Ce commentaire montre à quel point le renforcement des capacités et de l’autonomisation des communautés peut contribuer à éliminer les inégalités en matière de santé entre les populations, particulièrement entre les populations autochtones et non autochtones. Fait important, les auteurs indiquent que les cadres de référence sur lesquels reposent les initiatives de renforcement des capacités et d’autonomisation doivent refléter le savoir et la manière d’être autochtones, plutôt que d’être une simple copie des modèles occidentaux. « Les peuples autochtones doivent définir et développer non seulement les services de soins de santé, mais aussi les cadres de référence et les stratégies théoriques sous-jacents » (p. 596).

Alors que les concepts de renforcement des capacités et d’autonomisation parlent de l’importance de l’intégration des connaissances locales, les cadres conceptuels eux-mêmes ont rarement été élaborés par les peuples autochtones ou avec eux. Cela constitue un problème réel, car « la définition occidentale du succès et des avantages attendus pour la communauté diffèrent grandement des attentes et des définitions tribales » (p. 596).

Pour y remédier, il faut des processus qui font intervenir les communautés autochtones selon leurs propres termes et cadres de référence. Pour que cela soit accompli et maintenu, il faut aussi accorder des délais, et beaucoup plus de temps que ce qui est souvent prévu par les structures de financement et les processus de la culture dominante. Cela requiert une volonté de travailler de façon non linéaire et d’aller vers un apprentissage et une transformation mutuels. L’article se termine par un exemple concret d’un cadre de référence autochtone.

Chung-Do, J.; Goebert, D.; Bifulco, K.; Tydingco, T.; Alvarez, A.; Rehuher, D.; Sugimoto- Matsuda, J.; Arume, B.; & Wilcox, P. (2011). Hawai’i’s Caring Communities initiative: Mobilizing rural and ethnic minority communities for youth suicide prevention. Journal of Health Disparities Research and Practice, 8(4), 108-123.

Cet article propose le modèle de développement du leadership chez les jeunes en usage par le projet HCCI (Hawaii’s Caring Communities Initiative) d’Hawaï. Ce modèle forme et soutient les jeunes et les membres de la communauté selon une approche communautaire à la prévention du suicide. Il ne s’adresse pas uniquement aux jeunes Autochtones, mais aussi aux minorités rurales et ethniques.

Cette initiative était l’une des composantes des efforts déployés dans l’ensemble de l’État pour soutenir les jeunes à risque. L’université s’est associée à une organisation communautaire (par l’intermédiaire de l’État) et a adopté une approche axée sur la collaboration et les forces, intégrant des approches « fondées sur des données probantes » à la prévention du suicide (p. 111). S’appuyant sur des travaux antérieurs, ils ont mis au point un modèle de leadership pour les jeunes « composé d’un mélange de formation, d’établissement de relations, d’autonomisation et de mise en œuvre de projets de sensibilisation communautaire » (p. 112). Les partenaires communautaires ont joué un rôle prépondérant dans l’élaboration des activités de l’initiative dont l’objectif était de tirer parti des atouts de chaque communauté et de faire participer activement les jeunes et leurs accompagnateurs adultes.

Pour illustrer son propos, l’article cite l’exemple de cette initiative : les leaders Kauai contre le suicide (Kaua’i Leaders Against Suicide – KLAS). Les méthodes d’évaluation ont été transmises, et le projet s’est soldé par un succès. Les auteurs traitent d’un certain nombre de facteurs ayant contribué à ce succès : prioriser les relations, accroître l’efficacité personnelle grâce à l’encadrement, prendre suffisamment de temps pour établir des relations et un esprit d’équipe, favoriser les partenariats entre universités et communautés, créer des liens entre tous les projets de l’île (ce qui a également contribué à renforcer chaque projet communautaire individuel) et posséder un coordinateur solide, en lien avec la communauté, qui travaille bien avec les jeunes.

Cidro, J.; Adekunle, B.; Peters, E.; Martens, T. (2015). Beyond food security: Understanding access to cultural food for urban Indigenous people in Winnipeg as Indigenous food sovereignty. Canadian Journal of Urban Research, 24(1), 24-43.

Les quatre piliers de la sécurité alimentaire sont identifiés comme étant « l’accès, la disponibilité, l’utilisation et la stabilité » (p. 26), mais cela ne prend pas en compte l’approvisionnement en nourriture et les priorités culturelles et spirituelles particulières des communautés autochtones. Le document examine spécifiquement certaines de ces considérations pour les populations autochtones urbaines (à Winnipeg, au Manitoba), pour qui l’insécurité alimentaire peut être assez élevée, et l’accès aux aliments culturels assez limité.

Les écrits sont basés sur des résultats de recherche préliminaires, à partir desquels les auteurs affirment que «1) cultiver, récolter, préparer et manger de la nourriture culturelle comme cérémonie, 2) la nourriture culturelle dans le cadre de la connexion à la terre par la réciprocité, et 3) réapprendre [Souveraineté alimentaire autochtone – SAA]. La SAA pour lutter contre l’insécurité alimentaire dans la ville » peut bénéficier positivement du mieux-être social et économique des populations autochtones urbaines (p. 26). En milieu urbain, il existe des obstacles au développement de ces pratiques particulières.

Bien que l’importance de la souveraineté alimentaire des Autochtones ait été soutenue, l’étude n’a pas clarifié les voies permettant d’éliminer les obstacles à cette situation en milieu urbain.

Cousins, J. B.; Descent, D.; Kinney, M.; Moore, M.; Pruden, J.; Sanderson, K.; Wood, I. (2010). National Aboriginal Youth Suicide Prevention Strategy: Multiple Case Study of Community Initiatives. Ottawa, ON: Centre for Research on Educational and Community Services. Prepared for: First Nations and Inuit Health Branch, Health Canada.

Ce document de 45 pages fait le compte rendu de quatre projets communautaires subventionnés par la SNPSJA (Stratégie nationale de prévention du suicide chez les jeunes Autochtones) situés en Alberta (Hobbema), en Saskatchewan (Battlefords Tribal Council Indian Health Service), au Québec (Uashat mak Mani-utenam) et au Labrador (Nunatsiavut). Les auteurs procèdent à l’analyse d’études de cas et leur objectif est double : (a) comprendre l’impact des projets sur les communautés et les jeunes, et (b) comprendre les forces et les faiblesses de la mise en œuvre des projets en vue de leur amélioration.

Ce compte rendu fournit de l’information générale sur la SNPSJA, puis examine chaque étude de cas individuellement avant de procéder à une analyse de cas croisée. Certaines des conclusions de cette analyse traduisent les intentions de la SNPSJA, d’autres font état de conséquences inattendues (tant positives que négatives). Voici quelques-unes des conclusions générales : « Création de relations et de réseaux de soutien; Optimisme / espoir / renforcement de la confiance; Augmentation des facteurs de protection; Réduction des facteurs de risque; Liens culturels; Ouverture / volonté de parler du suicide; Soutien et engagement communautaires » (p. 18). Ces conclusions, présentées de diverses façons, étaient des résultats évidents pour chaque initiative communautaire. Les auteurs font également remarquer que toutes les initiatives avaient un point en commun, à savoir, le besoin de mettre l’accent sur le maintien de facteurs de protection, plutôt que sur la confrontation de facteurs de risque.

On a également relevé de nouveaux thèmes en lien avec des pratiques prometteuses, à savoir : « Multidimensionnalité des programmes et des contextes de programmes; Caractéristiques de la conception d’interventions; Adaptations culturelles; Coopération transfrontière; Activités d’évaluation et d’enquête; Ressourcement; et Questions relatives au genre » (p. 32). Le rapport conclut en abordant les implications pour les pratiques et politiques du programme, telles que: voir à ce que la stratégie dispose des ressources (financières et humaines) suffisantes pour être durables à long terme; soutenir la capacité d’intégrer la recherches aux initiatives en cours; assurer que la formation directe des jeunes, et autres, continue de faire partie de la stratégie; et offrir des possibilités de formation élargie.

Cwik, M.; Tingey, L.; Maschino, A.; Goklish, N.; Larzelere-Hinton, F.; Walkup, J.; & Barlow, A. (2016). Decreases in suicide deaths and attempts link to the White Mountain Apache Suicide Surveillance and Prevention System, 2001-2012. American Journal of Public Health, 106 (12), p. 2183-2189.

La tribu des Apaches de White Mountain « a créé un système de surveillance communautaire unique pour dépister et répertorier les suicides, les tentatives de suicide et les idées suicidaires; le but de ce système est d’illustrer les différences entre les taux de suicide de leur tribu et ceux déclarés pour l’ensemble du pays » (p. 2183). Plusieurs subventions leur ont été versées pour leur permettre d’offrir un programme complet de prévention du suicide chez les jeunes.

Ce programme comprend des activités générales comme la coordination des agences locales et la sensibilisation. Il offre aussi des activités spéciales pour répertorier et soutenir les jeunes à risque, notamment, des interventions qui s’adressent tout particulièrement aux jeunes qui présentent des comportements suicidaires. Cet article s’appuie sur des données recueillies au moyen du système de surveillance communautaire (appelé Celebrating Life) qui décrit les changements dans les taux de suicide survenus entre 2001 et 2012 et analyse les effets de ces interventions.

Dans l’ensemble, il y a eu une diminution d’environ 38 % du taux de suicide chez les Apaches, alors que les taux de suicide à l’échelle nationale sont demeurés stables. Les groupes d’âge ayant connu la plus importante diminution du taux de suicide étaient : (1) les 25 à 34 ans, et (2) les 20 à 24 ans. Les tentatives de suicide ont également diminué. Cette recherche montre que le système de surveillance a eu une incidence et suggère qu’une telle « approche de santé publique multiniveaux peut avoir des effets quantifiables chez les groupes à risque élevé » (p. 2186).

Dans tous les groupes d’âge, l’alcool semble être un facteur dans la majorité des cas, ce qui devrait faire l’objet d’une analyse plus poussée. Les conflits interpersonnels constituaient également un facteur répandu (par exemple, les disputes avec un partenaire ou les parents), ce qui pourrait s’expliquer en rapport avec la consommation d’alcool. Observation inquiétante : les taux ont effectivement augmenté chez les jeunes de 10 à 14 ans. Il en est de même chez les femmes, et en particulier les mères dont le risque s’est également accru. Les raisons de ces tendances ne sont pas concluantes.

Harder, H.; Holyk, T.; Russell, V.; & Klassen-Ross, T. (2015). Nges Siy (I love you): A community-based youth suicide intervention in Northern British Columbia. International Journal of Indigenous Health, 10(2), 21-32.

Cet article présente le compte rendu d’un projet qui s’est tenu chez la Première Nation Carrier Sekani du nord de la Colombie-Britannique. « Le projet de recherche sur la prévention du suicide présenté dans cet article faisait la promotion des systèmes de la PN Carrier en tant que stratégies d’intervention de base », ce qui incluait l’élaboration d’un manuel de ressources et la tenue de « camps culturels » (p. 22). Le projet, un partenariat entre les Services à la famille Carrier Sekani (CSFS) et UNBC, bénéficiait d’un financement des IRSC et était appuyé par un conseil consultatif de leadership composé de représentants aînés et jeunes provenant d’onze communautés pour le soutenir à chaque étape. Le projet avait adopté une approche de recherche fondée sur l’action participative communautaire.

Cent trente jeunes de 13 à 25 ans ont été recrutés en vue de leur participation à des camps culturels. (des sondages avant et après le camp ont été menés ainsi que des tests portant sur la dépression, le désespoir, l’estime de soi et les idées suicidaires). Le manuel de prévention et de sensibilisation au suicide utilisé avait été élaboré en partenariat avec le conseil consultatif de leadership qui « décide si la formation et le manuel de formation doivent être structurés sur la base des huit valeurs fondamentales de la PN Carrier Sekani, à savoir : le respect, la compassion, la sagesse, la responsabilisation, l’empathie, le partage, l’harmonie et l’équilibre » (p. 25). Des entrevues et des groupes de discussion ont été mis en place dans le but d’obtenir des données qualitatives.

Les observations ont fait ressortir la richesse du lien avec la culture et les aînés et un sentiment accru d’appartenance, de fierté et d’identité. Les participants ont également indiqué que l’expérience qu’ils avaient vécue avait eu une profonde incidence sur leur vie. Au chapitre des défis rencontrés, les auteurs ont dit reconnaître que l’engagement profond en faveur de l’action communautaire ne vient pas sans un coût financier. Un autre sujet de préoccupation concernait le juste équilibre entre les épistémologies autochtones et occidentales. Une troisième préoccupation concernait le fait que les communautés autochtones sont diversifiées et qu’il peut y avoir une tendance à généraliser les résultats de recherche. Il faut résister activement à cette tendance à la généralisation, ainsi qu’à celle d’« autochtoniser » et d’appliquer artificiellement des approches occidentales à la prévention du suicide.

May, P.; Serna, P.; Hurt, L.; & DeBruyn, L. (2005). Outcome evaluation of a public health approach to suicide prevention in an American Indian tribal nation. American Journal of Public Health, 957), 1238-1244.

D’entrée de jeu, les auteurs nous renseignent sur l’importance aux États-Unis d’avoir une approche d’intervention au suicide axée sur la population (contrairement à une approche individualisée). Bien qu’un certain nombre de ces approches existent, en particulier chez les Amérindiens et les populations autochtones de l’Alaska, peu de recherches en ce sens ont été effectuées.

Pour combler cette lacune, les auteurs se sont penchés sur un projet modèle de prévention du suicide chez les adolescents mis en œuvre dans une communauté donnée. Les auteurs décrivent l’élaboration du projet et ses diverses composantes. On a mis un soin particulier à intégrer un large éventail de mesures d’intervention et à collecter des données à chaque étape de l’analyse (notamment, les évaluations de programme et le taux de comportements suicidaires). Les données collectées au fil du temps ont mis en évidence « une réduction constante des actions suicidaires et des tentatives de suicide, tout au long du programme » (p. 1240).

L’article met en lumière un certain nombre de leçons apprises. Premièrement, la prévention du suicide ne devrait pas se centrer sur la modification des comportements problématiques, mais plutôt sur l’atténuation des causes profondes. Deuxièmement, la participation de la communauté doit faire partie du processus dès le tout début (y compris la conception). Troisièmement, la souplesse est essentielle; cela signifie suivre les progrès et apporter des modifications en cours de route.

Mihesuah, D. (2017). Searching for Haknip Achukma (Good health): Challenges to food sovereignty initiatives in Oklahoma. American Indian Culture and Research Journal, 41(3), 9-30.

« L’autosuffisance alimentaire tribale implique la coordination de préoccupations sociales, politiques, religieuses, économiques et environnementales complexes » et la façon dont les groupes abordent la question varie considérablement, en partie parce que l’accès aux ressources varie en raison de l’imposition coloniale (p. 9). Idéalement, la souveraineté alimentaire signifie qu’une communauté autochtone est capable de contrôler la production, la qualité et la distribution de sa nourriture – ce qui nécessite évidemment d’autres formes de souveraineté (souveraineté foncière, souveraineté politique). Cela implique également de modifier la vision de la terre en tant que ressource à une relation respectueuse avec la terre et tous les autres êtres.

L’auteur se concentre sur l’Oklahoma en particulier, soulignant les politiques et pratiques coloniales particulières conduisant à des changements de régime alimentaire et les effets néfastes que cela a eu sur la santé des Autochtones américains, y compris les taux élevés de diabète et d’obésité notés aujourd’hui. Le tout est lié au changement climatique, aux monopoles industriels (sur les semences, les aliments et les pesticides), à la dégradation de l’environnement, à la pauvreté et à d’autres injustices sociales telles que la diminution du financement des soins de santé, le manque d’éducation sur les pratiques alimentaires traditionnelles, l’emplacement d’épiceries saines en relation aux communautés autochtones, et le fait que les programmes de distribution alimentaire ne sont pas centrés sur les aliments sains ou traditionnels. La santé et les traditions sont étroitement liées, mais elles ne doivent pas être confondues avec la consommation d’aliments uniquement avant le contact, car les environnements et les cultures changent.

Les droits de chasse, de pêche et de cueillette – et les traités ou accords qui les renforcent – sont vitaux pour les efforts de souveraineté alimentaire, mais il n’est pas facile de les négocier dans le monde d’aujourd’hui, en raison des intérêts et des pouvoirs concurrents en jeu. En outre, les connaissances et les compétences nécessaires pour exercer ces droits (y compris la façon d’abattre et de conserver le gibier) doivent également être acquises grâce à des pratiques culturelles qui se sont détériorées face aux forces coloniales. Des écosystèmes sains sont également nécessaires pour que ces droits soient exercés.

Les jardins familiaux ont été « une bouée de sauvetage pour la survie culturelle, émotionnelle et physique à travers plusieurs générations » (p. 20). Ils impliquent une compréhension approfondie des saisons, des liens avec les pollinisateurs, des compétences pour préparer et conserver les aliments, apprendre les noms des plantes et prendre soin de la famille et de la communauté grâce au partage de la nourriture. Cela dit, « toutes les tribus de l’Oklahoma n’ont pas toutes cultivé dans le passé et conséquemment, n’ont donc pas toutes des traditions agricoles à faire revivre » (p. 21).

Des efforts pour relancer les jardins familiaux et d’autres pratiques alimentaires traditionnelles sont en cours, mais les obstacles incluent les coûts et le temps impliqués, et parfois le manque d’engagement de personnes en nombre suffisant pour le rendre viable. Malgré les défis, les efforts individuels et collectifs se poursuivent, y compris la distribution de semences d’origine tribale. Ces efforts sont vitaux pour rassembler les communautés et doivent être associés à l’activisme politique pour la souveraineté autochtone en termes plus généraux.

Rasmus, S.; Charles, B.; & Mohatt, G. (2014). Creating Qungasvik (A Yup’ik intervention ‘toolbox): Case examples from a community-developed and cultural-driven intervention. American Journal of Community Psychology, 54, 140-152.

Cet article présente une démarche entreprise auprès de deux communautés du sud-ouest de l’Alaska ayant pour but l’élaboration du guide Qungasvik, une boîte à outils qui fait la promotion de la valeur de la sobriété et de la vie auprès des jeunes. « Le guide Qungasvik est le résultat d’une démarche pour l’élaboration d’interventions au moyen d’une recherche participative fondée sur la communauté, ancrée dans un processus culturel et local et alimentée par une combinaison syncrétique de théories et de pratiques autochtones et occidentales » (p. 140). Le terme Qungasvik, qui signifie « boîte à outils », est un terme très parlant car cette ressource « contient des outils pour aider les Yup’ik à trouver leurs propres réponses et approches aux problèmes qui menacent leurs communautés et leurs jeunes, incluant les problèmes du suicide et de la toxicomanie » (p. 141).

Fait important, il ne s’agit pas de solutions ou d’interventions pouvant être reproduites, mais d’une démarche qui peut aider les communautés et leurs jeunes à trouver leurs propres solutions et ressources. « Ancré dans la culture » ne signifie pas lié à un passé imaginé, mais plutôt dérivé de structures, théories et pratiques existantes (p. 141). La démarche qui s’inspire des cadres de référence autochtones et postcoloniaux, ne considère pas ceux-ci comme étant synonymes. Il ne s’agit pas simplement de prendre « le meilleur de deux mondes », mais plutôt de procéder à une « fusion des dualités », ce qui ne peut se produire que lorsque les membres d’une communauté déterminent ce qui est et n’est pas digne d’intérêt dans la démarche (p. 141).

En ce qui concerne la démarche, il est à noter qu’elle a été entreprise par la communauté, avec l’aide de chercheurs invités. Elle reposait sur les traditions, les ressources et l’infrastructure locales existantes, et sur les relations antérieures avec l’organisme de recherche. L’infrastructure existante fournissait les paramètres du processus de recherche. On comprend que tous ces facteurs ont contribué à son succès. L’article présente des exemples de cas où trois modules ont été élaborés pour illustrer le processus de collaboration engagé.

Ritchie, I. (2016). Food sovereignty in Whaingaroa: Perspectives of food providers in a small, coastal New Zealand township. Anthropological Forum, 26(3), 289-300.

En contextualisant sa recherche, l’auteur souligne la manière dont certaines activités de souveraineté alimentaire autochtones en Nouvelle-Zélande contribuent à des mouvements alimentaires plus larges, y compris le mouvement international de la slow food (nourriture lente) et les systèmes organiques occidentaux. La souveraineté alimentaire maorie offre une réponse à la « triple crise mondiale » du changement climatique, du pic pétrolier et de l’insécurité alimentaire » (p. 291).

La recherche dans l’article se concentre sur une commune appelée Whaingaroa, dans laquelle un certain nombre d’activités alimentaires communautaires se déroulent simultanément – contribuant à la souveraineté alimentaire de la région. Les activités sont fondées sur des valeurs particulières, notamment « les valeurs de souveraineté alimentaire comprennent la focalisation sur l’alimentation des populations, la promotion du droit à une alimentation suffisante, saine et culturellement appropriée et le rejet de l’idée que l’alimentation est « juste un produit » » (p. 295).

Malheureusement, malgré la reconnaissance de l’activité maorie au sommet, l’article ne centre pas la complexité de la souveraineté alimentaire par rapport à la continuité culturelle et à la résurgence à travers des relations intimes avec la terre, les gens et les plantes – comme le font d’autres articles. Au lieu de cela, l’accent est principalement mis sur les activités de production alimentaire qui résistent à la corporatisation, promeuvent des pratiques durables et centrent le respect des producteurs et des travailleurs.

Wexler, L.; Gubrium, A.; Griffin, M.; & DiFulvio, G. (2013). Promoting positive youth development and highlighting reasons for living in Northwest Alaska through digital storytelling. Health Promotion Practice, 14(4), 617-623.

Le projet présenté dans cet article nécessitait la participation de jeunes provenant de 12 villages; 432 personnes ont produit environ 566 récits numériques. Les animateurs se sont rendus dans chaque communauté une fois l’an pendant quatre ans pour y mener un atelier. À la fin de chacun des 39 ateliers tenus, une exposition était présentée à la communauté et les participants pouvaient y inviter leurs amis et des membres de leur famille. On encourageait également les participants à publier leurs récits sur le site Web (ce que la plupart ont fait).

Ces récits numériques, qui se sont transformés en « trousses d’espoir », sont devenus autant de raisons de vivre pour ces jeunes. Dans les sondages et entrevues, les participants ont indiqué que la démarche créative avait revêtu une grande importance pour eux en ce qu’elle leur avait permis de parler d’eux-mêmes, de leur vie et de leurs relations sous un angle positif. Cela est particulièrement important pour les Autochtones alaskiens dont l’identité, l’estime de soi et l’autoefficacité ont été touchées par les bouleversements culturels causées par la colonisation, l’assimilation et le racisme. Tous ces facteurs sont liés au suicide autochtone et à la toxicomanie.

Le projet a grandi en popularité au cours des quatre années de son existence. Les réactions à l’enquête ont été extrêmement positives et les participants ont beaucoup apprécié l’expérience. En ce qui concerne les objectifs de prévention primaire, l’activité qui consistait à revoir d’anciennes photos et à se rappeler de bons moments et d’agréables relations « équivaut à un geste de réflexion sur la vie positif » (p. 620). En outre, « pour les participants, les récits numériques sont des mémentos permettant de se rappeler ce qui fonctionne bien dans leur vie et surtout pour en présenter publiquement les aspects positifs » (p. 621). Pour ces jeunes, réaliser des récits numériques où y sont présentés leurs forces et accomplissements, a revêtu une importance toute particulière. Non seulement les relations importantes sont-elles mises en évidence dans les histoires elles-mêmes, mais le processus de diffusion (public ou privé à des personnes signifiantes) contribue à « renforcer des relations importantes, intergénérationnelles en particulier » (p. 621). Diffuser en ligne à un plus vaste public était également important.

Wexler, L.; McEachern, D.; DiFulvio, G.; Smith, C.; Graham, L.; & Dombrowski, K. (2016). Creating a community of practice to prevent suicide through multiple channels: Describing the theoretical foundations and structured learning of PC CARES. International Quarterly of Community Health Education, 36(2), 115-122.

Cet article traite du programme PC CARES : Promouvoir le dialogue communautaire sur la recherche pour mettre fin au suicide au moyen de cercles d’apprentissage mensuels. Cet article examine plus particulièrement la façon dont PC CARES intègre les « théories sur l’éducation populaire, les stratégies des communautés de pratique et les publications scientifiques » (p. 116).

De par son engagement en faveur de la décolonisation, le programme PC CARES accorde la priorité aux « formes postcoloniales de l’entrevue thérapeutique » (p. 116) et reflète davantage « les aspects relationnels, familiaux, sociaux et spirituels de l’individualité qu’une compréhension décontextualisée, spécialisée, individualiste et biomédicale de la détresse » (p. 116). Le programme est également situé dans la communauté et repose sur des protocoles et des pratiques locaux. En termes pédagogiques, il s’appuie sur des approches engagées et expérientielles, associant la compréhension à l’action et l’ouverture à diverses formes d’expression. Enfin, il s’agit également d’un modèle de communauté de pratique qui rassemble les gens autour d’une préoccupation commune. Dans ce cas-ci, « le modèle invite les parties prenantes de la communauté, les chefs tribaux, les fournisseurs ruraux de services de santé et de services à la personne, la police, les chefs religieux et autres à se réunir chaque mois pour apprendre « ce que nous savons, ce que nous pensons et ce que nous voulons faire » à propos du suicide et de la prévention du suicide » (p. 117). À partir de la théorie de l’éducation des adultes, une attention est portée sur la manière de livrer la matière et de faciliter le dialogue, ainsi que sur la façon dont est structuré l’environnement éducatif. Des animateurs locaux, principalement autochtones, encouragent un environnement où des processus participatifs peuvent avoir lieu. Une approche souple et réactive est priorisée, malgré qu’une structure bien délimitée encadre chaque réunion. Le contenu de chaque session varie, et l’information scientifique qui y est diffusée se résume à des parcelles de connaissances échangées au cours de la partie « ce que nous savons » de la séance. Plus important encore, ce sont les participants eux-mêmes qui produisent la matière parcourue dans les parties « ce que nous pensons » et « ce que nous voulons faire ».

Élaboré en collaboration avec des leaders locaux, le programme PC CARES a été instauré dans six communautés rurales de l’Alaska. On recueille présentement des données avant et après programme en vue de l’évaluation de ses effets.

Des études à l’appui de l’engagement des jeunes

Bird-Naytowhow, K.; Hatala, A.; Pearl, T.; Judge, A.; & Sjoblom, E. (2017). Ceremonies of relationship: Engaging urban Indigenous youth in community-based research. International Journal of Qualitative Methods, 16, 1-14.

Comme les relations éthiques sont au cœur de la recherche communautaire autochtone et que la recherche sur les jeunes les exclut trop souvent de cet exercice de renforcement des relations, l’article propose une approche pour les y inclure et leur donner une place importante. Fondée sur les connaissances et les pratiques autochtones, cette approche se concentre sur ce que les auteurs appellent les « cérémonies de relations » (p. 1). Ceux-ci mentionnent diverses façons dont le savoir autochtone et les pratiques spirituelles peuvent contribuer à d’importantes recherches qui dès lors ne seraient plus qu’une simple démarche universitaire, mais une démarche sacrée.

La recherche ayant souvent été mise au service de la colonisation, le passage non seulement à la collaboration, mais aussi au centrage conscient des connaissances et des relations autochtones dans la recherche est très important. Le projet décrit dans ce document et qui s’intitule « Projet de résilience des jeunes » s’est déroulé principalement dans les quartiers du centre-ville de Saskatoon, en Saskatchewan. Une équipe de chercheurs diversifiée a confié aux jeunes eux-mêmes les fonctions de cochercheurs.

Ils ont appliqué le « concept de double vue » (faisant un clin d’œil aux aînés micmacs Albert et Murdena Marshall) non seulement pour harmoniser les modes de connaissances autochtones et occidentales, mais aussi pour les appliquer ensemble vers la création de nouvelles façons de penser et d’agir (p. 5). En travaillant de cette façon, l’accent mis sur la démarche (de la perspective des collaborateurs autochtones) est apparu évident, éclairant ainsi l’approche de recherche développée. Particulièrement en ce qui concerne la mobilisation des jeunes, cette démarche incluait ce qui suit :

  • « Le cercle de discussion ou de parole », un mode essentiellement relationnel (p. 5). Une attention particulière portée à l’aménagement d’espaces protégés où règnent la confiance, la transparence, la sollicitude et l’honnêteté.
  • Respecter « l’éthique communautaire et les protocoles culturels » (p. 6). Cela signifie (à tout le moins) reconnaître les principes de propriété, de contrôle, d’accès et de possession, ce qui aide à orienter les chercheurs qui travaillent auprès des communautés autochtones. Cela signifie également que les protocoles culturels particuliers font partie intégrante du processus de recherche et que ceux-ci varient considérablement selon les participants et le territoire où la recherche est menée, ce qui, par ailleurs, contribue grandement à créer des espaces sûrs et éthiques.
  • Mobiliser l’ensemble de la communauté et, ce faisant, s’opposer activement à l’imposition de relations hiérarchiques. Cela se fait également de diverses manières créatives centrées sur les relations, la sécurité et les protocoles culturels.

Le projet visait à cerner les facteurs de résilience chez les jeunes des Premières Nations. En centrant les façons de savoir et de faire autochtones, ce projet a démontré combien il est important de s’assurer que la démarche par laquelle la recherche est menée est conforme à ses objectifs. L’exercice a permis de faire ressortir davantage les diverses façons qui existent de favoriser la résilience, et de permettre ainsi aux jeunes d’y accéder.

Corntassel, J.; Hardbarger, T. (2019). Educate to perpetuate: Land-based pedagogies and community resurgence. International Review of Education, 65, 87-116.

Cet article se concentre sur les actes quotidiens par lesquels la souveraineté et l’identité nationale autochtones sont perpétuées – en particulier, la régénération des systèmes alimentaires autochtones, qui comprend des relations complexes entre les personnes, les plantes, les terres et les cours d’eau. En grande partie, ces actes peuvent être rendus invisibles par une lentille coloniale qui ne les reconnaît pas en tant que résurgence et une restauration de relations et de « modes de vie » qui contribuent au mieux-être (p. 88). Ce travail est peut-être plus important que jamais, car de nouvelles formes de colonisation continuent de « tenter de séparer les peuples autochtones de leurs cultures et communautés d’origine » (p. 89). Le concept cherokee « iyunadvnelidasdi [lifeways] » est la base autour de laquelle cet article est centré.

La recherche participative entreprise a mis en lumière « les processus quotidiens de résurgence qui se produisent dans des environnements intimes, tels que les conversations familiales et le fait d’être sur la terre » (p. 90). C’est à travers ces pratiques que les processus de leadership, de gouvernance et de communauté se perpétuent, malgré les efforts coloniaux en cours pour les supprimer. Ces « alphabétisations centrées sur la terre » sont aujourd’hui d’une importance vitale pour la planète, au coeur de la crise climatique.

Les jeunes Cherokee et les aînés qui ont participé à cette étude ont souligné la nature répétitive, continue et collective de leurs « modes de vie ». Ce sont les choses qui se font ensemble au fil du temps qui composent leur identité et leur culture et soutiennent leur communauté. Les trois thèmes clés qui ont émergé du processus sont :

  1. La responsabilité de transmettre les connaissances (c’est-à-dire les modes de vie, la langue, les traditions) en étant un apprenant et un enseignant à vie; 2) l’importance des relations familiales et communautaires en tant que lieu d’apprentissage et de soutien à travers des « relations de dépendance »; et 3) l’accès et la protection d’écosystèmes sains qui permettent une eau durable et des pratiques terrestres. (p. 98)

« La pratique de cueillir de la nourriture en famille, en particulier des oignons sauvages et des champignons, est un thème récurrent » (p. 98). Tout le monde travaille ensemble, apprend à connaître son territoire et acquiert des compétences importantes en matière de préparation culinaire, par exemple. Des connaissances détaillées sont transférées à la génération suivante et les responsabilités envers la communauté sont acquises grâce à ce processus au fil du temps. La langue et la cérémonie sont d’autres actes quotidiens qui perpétuent les modes de vie cherokee. Tout cela passe par les relations familiales et communautaires et les relations avec la terre et l’eau. La perpétuation des modes de vie et des connaissances connexes est, surtout, incarnée – non cognitive – et se produit en faisant et en étant ensemble.

Crooks, C.; Chiodo, D.; Thomas, D.; & Hughes, R. (2010). Strengths-based programming for First Nations youth in schools: Building engagement through healthy relationships and leadership skills. International Journal of Mental health and Addiction, 8,160-173.

Cet article présente une série de projets initiés par un conseil scolaire pour améliorer les relations avec les jeunes des Premières Nations et les mobiliser. Les auteurs de l’article plaident en faveur d’activités de programme axées sur les forces et adaptées à la culture, en particulier pour les jeunes des Premières Nations du Canada, car cela permet de comprendre que les résultats négatifs actuels sont la conséquence de « la suppression délibérée de la culture et des traditions derrière le traumatisme multigénérationnel » (p. 161) plutôt qu’une indication de pathologies individuelles. Les projets décrits dans le présent article se déroulent au sein du conseil scolaire du district de Thames Valley de London (Ontario) où se trouvent trois Premières Nations. Les jeunes de ces nations entrent généralement dans le système scolaire du TVDSB en 6e ou 8e année.

Le premier projet est un projet de mentorat par les pairs où des étudiants plus âgés de l’école sont jumelés à des étudiants plus jeunes ou nouveaux. Le second est un cours crédité, offert à l’école, sur le leadership culturel autochtone. Le troisième équivaut à des conférences de transition données en 8e année pour : « préparer les élèves du primaire à une transition réussie au secondaire » (p. 165). Des données factuelles indiquant une motivation accrue ont été recueillies; les indicateurs portaient notamment sur le comportement, les aptitudes cognitives et l’attitude. Les efforts futurs continueront d’être axés sur ce qui fonctionne déjà bien. On mettra également l’accent sur le renforcement des ressources du système pour assurer la stabilité des projets.

Crooks, C.; Exner-Cortens, D.; Burm, S.; Lapointe, A.; & Chiodo, D. (2017). Two years of relationship-focused mentoring for First Nations, Metis, and Inuit adolescents: Promoting positive mental health. Journal of Primary Prevention, 38, 87-104.

La connexité culturelle est « le degré d’intégration des individus dans leur groupe culturel; cela s’appelle également enculturation » (p. 88). Comme il est généralement reconnu que l’enculturation est un facteur de protection pour les jeunes Autochtones, dans un rapport d’étude, les auteurs ont examiné l’efficacité d’un programme de mentorat particulier. « The Fourth R est un programme fondé sur des données factuelles ; il porte sur les relations saines et la prévention de la violence et il est conçu pour une mise en œuvre générale dans les salles de classe » (p. 89). Il est reconnu que le concept de mentorat est particulièrement bien adapté aux communautés autochtones sur le plan culturel en ce qu’il favorise les relations intergénérationnelles et le transfert des connaissances.

Le présent article décrit une étude longitudinale à méthodes mixtes visant à évaluer l’incidence d’une ou de deux années de participation au programme, particulièrement par rapport au bien-être des élèves qui passent du primaire au secondaire. Il s’est révélé avoir des effets positifs sur « la confiance en soi, les relations interpersonnelles, les capacités d’adaptation et de résolution des conflits et la connexité culturelle » (p. 100). Fait intéressant, les données qualitatives indiquaient ces effets positifs après un an de participation, tandis que les données quantitatives ne les indiquaient qu’après deux ans. L’« espace de sensibilisation et d’affirmation de la culture », créé dans le cadre du programme, a aidé les étudiants à approfondir leur appartenance culturelle, élément essentiel à la formation de l’identité (p. 100) et de la résilience, selon la recherche.

Fortier, J.; Chartier, M.; Turner, S.; Murdock, N.; Turner, F.; Sareen, J.; Afifi, T.; Katz, L.; Brownell, M.; Bolton, J.; Elias, B,; Isaak, C.; Woodgate, R.; Jiang, D. (2018). Adapting and enhancing PAX Good Behavior Game for First Nations communities: a mixed-methods study protocol developed with Swampy Cree Tribal Council communities in Manitoba. BMJ Open, 8, e018454. doi:10.1136/bmjopen-2017-018454.

Le Good Behaviour Game (GBG) a pour effet de réduire de nombreux problèmes chez les jeunes et il est l’une des rares approches fondées sur des données probantes recensées à avoir pour effet la réduction des comportements suicidaires chez les jeunes. Instauré dans les écoles, sa mise en œuvre est assurée par les enseignants durant les heures de classe. Son objectif est d’améliorer l’autorégulation et l’autogestion du comportement par les élèves; il semble également améliorer les relations avec les pairs, ce qui pourrait expliquer ses effets positifs sur la santé (p. 2).

Le GBG a produit des résultats positifs mondialement et auprès de diverses populations, notamment, de nombreuses Premières Nations du Manitoba. Cependant, on ne sait pas grand’ chose sur sa sécurité culturelle, sa pertinence et son efficacité auprès des jeunes des Premières Nations. C’est ce que la présente étude tente de déterminer. Cette recherche est importante car les communautés des Premières Nations « continuent de souffrir de problèmes de santé physiques, affectifs et spirituels des suites du traumatisme historique subi et des réalités actuelles » (p. 2). L’étude vise à savoir si le GBG contribue à vivre une bonne vie (mino pimatisiwin) et l’évalue en intégrant les approches autochtones et occidentales.

Le présent article décrit la démarche de recherche collaborative utilisée pour déterminer si le GBG peut être adapté de manière efficace et éthique aux enfants et aux jeunes des Premières Nations.

Gulrukh Kamal, A.; Linklater, R.; Thompson, S.; Dipple, J.; & Ithinto Mechisowin Committee. (2015). A recipe for change: Reclamation of Indigenous food sovereignty in O-Pipon-Na-Piwin Cree Nation for decolonization, resource sharing, and cultural restoration. Gobalizations, 12(4), 559-575.

La communauté de la Nation crie O-Pipon-Na-Piwin (OPCN) dans le nord du Manitoba a été touchée par un projet de dérivation de rivière (pour l’énergie hydroélectrique) et a déménagé de son territoire traditionnel en raison des inondations, ce qui a entraîné un taux d’insécurité alimentaire de 100%. Les systèmes alimentaires autochtones intègrent culturellement la récolte et le partage des aliments avec des soins durables pour la terre. La nourriture est également une source précieuse de médicaments. L’insécurité alimentaire a donc un impact sur tous les éléments de la santé et du mieux-être.

Bien que le concept de sécurité alimentaire parle d’accès à la nourriture, il ne traite pas de la manière dont les aliments sont achetés. Le concept de souveraineté alimentaire se rapporte au droit d’une nation de produire ses propres aliments, dans le respect de la diversité culturelle. La souveraineté alimentaire autochtone en particulier est « inhérente et collective » (p. 565). Elle est intimement liée à la terre et à la communauté, et en tant que tel, est un outil décolonial important.

Le mot de la Nation crie O-Pipon-Na-Piwin Wechihituwin (traduit vaguement par « ressource ») exprime le « fait que la nourriture dans la tradition culturelle de la Nation crie O-Pipon-Na-Piwin n’est pas une marchandise; c’est un ensemble de relations » (p. 566). De même, le mot de la Nation crie O-Pipon-Na-Piwin Pasekonekewin (« décolonisation ») signifie « prendre la personne par la main et l’aider à se lever » (p. 566). Les deux, en tant que tels, travaillent ensemble pour le bien-être collectif. Ainsi, en réponse à l’insécurité alimentaire à laquelle ils étaient confrontés, la communauté a travaillé pour développer un programme d’aliments sauvages – pour aider à reconstruire les relations avec la terre grâce auxquelles la communauté se soutiendrait mutuellement pour accéder à la nourriture et à la santé.

Le programme par étapes est axé sur « une alimentation saine, durable et culturellement appropriée » (p. 567), la sensibilisation communautaire et la conservation des aliments et des médicaments. Les programmes pour les jeunes sont au cœur des efforts, tout comme les moyens culturellement appropriés de partager l’information et de faire participer les gens, comme la narration d’histoires en langue crie. « Au cours des quatre premiers mois du programme, le nombre de familles recevant de la nourriture du programme est passé de 5 à 390 familles » (p. 567).

Jacono, J. & Jacono, B. (2008). The use of puppetry for health promotion and suicide prevention among Mi’Kmaq youth. Journal of Holistic Nursing, 26(1), 50-55.

Cet article examine une initiative qui s’est déroulée dans certaines réserves des Premières nations micmaques de l’île du Cap-Breton. L’initiative intégrait le savoir traditionnel autochtone au savoir scientifique occidental pour « élaborer des stratégies holistiques qui visent à améliorer la santé mentale des jeunes vivant dans ces réserves » (p. 50).

Les auteurs décrivent l’art de la marionnette en tant que moyen d’intervention particulier pouvant renforcer le bien-être des jeunes de la manière suivante : (1) Les jeunes, encadrés par les aînés, vont ramasser dans la nature les matériaux avec lesquels les marionnettes sont confectionnées. En soi, cette démarche est importante car elle permet d’établir des liens entre les générations, les personnes et la nature. (2) « La recherche, l’écriture et la présentation avec des marionnettes de pièces de théâtre adaptées à la culture » (p.53) mettent les acteurs et les spectateurs directement en contact avec les aînés, les gardiens du savoir traditionnel, et maintiennent vivante la tradition orale du conte. (3) Les contes réalisés par les marionnettes renferment d’importants enseignements quant à la manière éthique d’entrer en relation avec les autres.

Ce projet n’a pas été l’objet d’une évaluation ou d’une analyse formelle des données, mais on y prône les avantages des soins infirmiers holistiques, en particulier en ce qui concerne l’intégration d’un jeu de marionnettes adapté à la culture dans divers contextes.

Potvin-Boucher, J. & Malone, J. (2014). Facilitating mental health literacy: Targeting Canadian First Nations youth. Canadian Journal of Counselling and Psychotherapy, 48(3), 343-355.

Bien qu’ils reconnaissent la diversité chez les jeunes des Premières Nations, les auteurs font ressortir certains points communs parmi diverses visions du monde autochtones, méthodes d’enseignement et d’apprentissage, pratiques spirituelles et cultures. Les principales recommandations pour adapter les programmes de littératie en santé mentale aux jeunes des Premières Nations sont : « le développement approprié ou l’adaptation des programmes et de la formation en sensibilisation à la culture pour les administrateurs » de programmes (p. 348). Il est important de noter que les programmes « développés et appliqués localement par les gens des PN » sont plus efficaces que les programmes généralisés qui sont adaptés (ou appliqués tels quels) (p. 348). Les auteurs décrivent quatre principes bien circonscrits suggérés par Gone (2004) : la sensibilisation culturelle de l’animateur du programme, l’individualisation de l’apprentissage au sein du programme, la collaboration communautaire et l’évaluation continue du programme.

Cet article ne traite pas du suicide isolément, mais le considère comme étant lié à d’autres résultats négatifs (tels que la toxicomanie et le décrochage scolaire). La participation continue des jeunes dans des programmes de littératie en santé mentale semble atténuer ces résultats négatifs; par ailleurs, l’intégration d’un contenu culturel digne d’intérêt dans ces programmes pour les jeunes des PN est considérée comme étant essentielle. Pour y arriver, il faut reconnaître l’importance de participer aux pratiques culturelles, de côtoyer la communauté et de se rendre sur le territoire; les programmes de littératie en santé mentale ne doivent pas nécessairement être coupés de la vie communautaire. Les auteurs offrent l’exemple d’un programme d’encadrement par les pairs pour soutenir ces arguments. En outre, ils soutiennent que « la promotion de la fierté et du sentiment d’appartenance passe avant tout par la compréhension de l’histoire et du contexte » (p. 349). Cela fait passer le discours de la motivation à l’autonomisation, ce qui est considéré essentiel à la résilience. Encore une fois, des exemples concrets sont fournis pour démontrer que non seulement la création de programmes adaptés à la culture renforce la motivation, mais cela augmente aussi la résilience et les résultats positifs pour les jeunes des Premières Nations.

Des articles traitant des changements systémiques

Gerlach, A. J.; Browne, A. J.; Elliot, D. (2017). Navigating structural violence with Indigenous families: The contested terrain of early childhood intervention and the child welfare system in Canada. The International Indigenous Policy Journal, 8(3)

Retrieved from: http://ir.lib.uwo.ca/iipj/vol8/iss3/6

Le système de protection de l’enfance du Canada fait partie de l’infrastructure colonisatrice responsable de l’oppression et de la marginalisation des familles autochtones. Cet article fait rapport sur une étude qualitative menée en Colombie-Britannique concernant l’incidence des programmes de développement des nourrissons autochtones (AIDP) sur les résultats des enfants et des familles autochtones.

Les résultats suggèrent que les AIDP aident les mères et les enfants à « comprendre ce qui se passe » (p. 1) et, grâce à des relations constructives, à surmonter le sentiment d’être jugés comme étant de « mauvais parents » (p. 2). Cependant, les conclusions indiquent également que les travailleurs de l’AIDP se sentent parfois restreints dans leur capacité d’offrir un soutien constructif et transparent parce qu’ils font partie d’un système de protection de l’enfance réactif, motivé par les crises. Le plus troublant était peut-être de découvrir que des relations constructives sur lesquelles on peut compter étaient souvent compromises plutôt que d’être une source de soutien pour les familles, les travailleurs de l’AIDP constituant « les yeux du ministère » (p. 9).

Les auteurs recommandent de passer plus de temps à « comprendre l’expérience des familles autochtones face au système de protection de l’enfance contemporain dans le contexte sociohistorique plus large de leur vie » (p. 11). Ils font valoir le rôle important que peuvent jouer les travailleurs de l’AIDP, et qu’ils jouent effectivement, pour contrer le discours de pathologisation et de racialisation sur les femmes autochtones, cela étant présenté comme un acte de résistance fort. S’ensuivent une discussion sur la violence structurelle et des recommandations pour « un cadre politique et un financement ciblé pour la préservation de la famille et des services de soutien » (p. 12).

Goodkind, J.; Ross-Toledo, K.; John, S.; Hall, J.; Ross, L.; Freeland, L.; Coletta, E.; Becenti-Fundark, T.; Poola, C.; Begay-Roanhorse, R.; & Lee, C. (2010). Promoting healing and restoring trust: Policy recommendations for improving behavioural health care for American Indian/ Alaska Native adolescents. American Journal of Community Psychology, 46, 386-394.

Les politiques recommandées présentées dans cet article sont fondées sur des analyses documentaires exhaustives qui ont révélé sept grands problèmes de comportement et inégalités (notamment, le suicide chez les jeunes) ayant un impact sur de nombreuses nations et tribus amérindiennes et de l’Alaska. Les problèmes et inégalités sont : (1) le niveau élevé d’exposition à la violence et aux traumatismes et les pertes traumatiques, (2) l’oppression passée et actuelle, le racisme et la discrimination, (3) des systèmes de soins sous-financés, (4) le manque d’égards envers les pratiques autochtones dans la prestation des services, les politiques et le financement, (5) la confiance excessive envers les pratiques fondées sur des données probantes, (6) le manque de compétence culturelle au sein des systèmes et des fournisseurs de soins, et (7) les obstacles liés à la santé » (p. 386).

Ces inégalités ont ensuite été attribuées à sept principaux facteurs de nature systémique décrits en détail par les auteurs. Ces facteurs on fait l’objet de recommandations politiques concrètes, à savoir, accroître la capacité de faire appel à des guérisseurs traditionnels et les indemniser; fournir un meilleur financement des infrastructures pour les fournisseurs de soins de première ligne; valoriser les « preuves fondées sur la pratique » pertinentes pour les communautés (p. 389); reconnaître et traiter les multiples facteurs de stress dans la vie des jeunes amérindiens et alaskiens, soutenir et financer des programmes qui associent la prévention au traitement, « créer des accréditations et des qualifications de rechange pour les fournisseurs de services autochtones » (p. 390) et la présentation d’excuses fédérales. Ces recommandations sont abordées en lien avec les preuves, et comparées les unes aux autres.

Hallett, D.; Chandler, M.; & Lalonde, C. (2007). Aboriginal language knowledge and youth suicide. Cognitive Development, 22, p. 392-399.

Cette étude émet l’hypothèse que les efforts déployés au niveau communautaire pour préserver la langue servent de marqueur de la continuité culturelle associée aux taux de suicide chez les jeunes. Après avoir consulté de la documentation de recherche provenant de partout dans le monde, les auteurs commencent en établissant clairement le lien qui existe entre la langue et la survie culturelle et les mesures communautaires qui préconisent la santé et le bien-être. Ils se concentrent ensuite sur la Colombie-Britannique où l’on trouve « la plus grande diversité linguistique, l’une des plus petites populations linguistiques et le plus grand nombre de langues en péril de toutes les provinces canadiennes » (p. 394).

Dans cette étude, les auteurs utilisent des données d’études antérieures (les leurs et celles d’autres chercheurs) fondées en partie sur le recensement national de 1996 qui avait analysé plus particulièrement 152 des 195 bandes de la province, même si certaines avaient été regroupées aux fins de l’analyse. « Les résultats indiquent que les bandes ayant des niveaux de connaissance de la langue plus élevés (c.-à-d., plus de 5 %) enregistraient des taux de suicide moins élevés que les bandes possédant des niveaux de connaissance inférieurs » (p. 396). Au terme de leur analyse, les auteurs concluent qu’« au moins dans le cas de la Colombie-Britannique, les bandes dans lesquelles la grande majorité des membres avait déclaré pouvoir converser en langue autochtone avaient également connu des taux de suicide faibles voire inexistants. En revanche, chez les bandes où moins de la moitié des membres avaient déclaré pouvoir converser dans leur langue, le taux de suicide était six fois plus élevé » (p. 398).

LaFrance, J. & Nichols, R. (2010). Reframing evaluation: Defining an Indigenous evaluation framework. The Canadian Journal of Program Evaluation, 23(2), 13-31.

Cet article traite de l’élaboration d’un cadre d’évaluation autochtone fondé sur les modes de connaissance autochtones, et répondant aux impératifs des pratiques d’évaluation occidentales. En raison de précédents préjudiciables et d’exploitation, la recherche et l’évaluation ne sont pas tellement populaires dans les communautés autochtones. Il était donc essentiel que l’élaboration de ce cadre d’évaluation crée un autre type de précédent, à savoir, qu’il réponde à des critères « d’utilité, de restauration, de préservation et de souveraineté » et que le travail « soit fondé sur des épistémologies autochtones, sensibles aux valeurs culturelles, et qu’il soient adopté par les communautés qu’il est censé desservir » (p. 16).

Après avoir décrit le processus de consultation et les principaux apprentissages, les auteurs décrivent le cadre de travail, lequel repose sur quatre valeurs essentielles : « (a) être un peuple appartenant à un lieu; (b) reconnaître nos dons; (c) honorer la famille et la communauté, et, respecter la souveraineté » (p. 22). Ils mettent également en évidence trois types de connaissances (le savoir traditionnel, le savoir empirique et la connaissance révélée). Prises ensemble, ces connaissances peuvent mener à des processus d’évaluation plus complets qui « valorisent l’expérience subjective et les données objectives » et garantissent que les connaissances acquises ont toujours pour but de « contribuer à la santé et au bien-être du monde » (p. 27).

Lawson-Te Aho, K. & Liu, J. (2010). Indigenous suicide and colonization: The legacy of violence and the necessity of self-determination. International Journal of Conflict and Violence, 4(1), 124-133.

Cet article s’inspire de la sagesse autochtone, plus particulièrement celle des Maoris, relativement au suicide chez les jeunes. Cette sagesse part du principe suivant, lequel est énoncé de manière saisissante par les auteurs : « On peut penser qu’avec l’élaboration par les Maoris d’une démarche sensible à la culture, il ne soit plus nécessaire de faire de la prévention en matière de suicide. La thèse voulant que lorsque les jeunes Maoris s’engagent dans leur propre développement et revendiquent leur propre identité culturelle, cela leur donne un but, une raison d’être et par conséquent, le désir de vivre » (p. 125).

Cette connaissance est fondée sur un concept appelé whakapapa, lequel met en évidence les liens qui unissent tous les aspects de l’expérience humaine, de l’organisation sociale et de l’identité. En faisant référence aux « preuves évidentes des impacts traumatisants de la colonisation » (p. 127), les auteurs expliquent clairement le lien qui existe entre l’autodétermination et le bien-être des jeunes Autochtones. Traçant la voie à suivre pour le développement des Maoris, ils prévoient que c’est grâce à ces changements structurels, systémiques et politiques que le suicide chez les jeunes sera traité de manière efficace et non au moyen d’interventions individualisées.

McMillan, J. (2015). Colonial impediments to Indigenous rights and food security in Atlantic Canada. Journal of International Law and International Relations, 11(2), 131-141.

Cet article commence par un aperçu historique du « développement » de l’Île de la Tortue – y faisant référence comme « le « nouveau monde » » (p. 134) – qui comprend les relations autochtones avec la terre et les ressources alimentaires et les place au centre, mais d’après une lentille très euro-occidentale (faisant référence aux observations des premiers colons, par exemple). Il décrit comment, sur la côte atlantique du Canada, les premiers traités étaient « un instrument de pouvoir de l’État étranger… qui minait la production culturelle et la souveraineté des Mi’kmaq » et, en fait, « redéfinissait les relations autochtones avec les nouveaux arrivants sur leurs territoires » (p. 135 ). Ces premiers traités n’ont pas enlevé toute autorité aux Mi’kmaq, mais ont été suivis au fil du temps d’une détérioration graduelle de celle-ci par le biais d’une dynamique coloniale complexe, décrite en détail. Les implications se sont étendues à une insécurité alimentaire accrue, à la pauvreté et à la compromission d’autres déterminants sociaux connexes de la santé.

Bien sûr, les tentatives d’occuper les terres et d’assimiler les gens se sont heurtées et se heurtent à de la résistance, y compris l’invocation des traditions juridiques des Mi’kmaq. La souveraineté alimentaire, y compris l’exercice des pratiques traditionnelles de chasse, de pêche et de cueillette pour la nourriture, les médicaments et le commerce, sont des éléments importants de cette résistance.

Aujourd’hui, en raison de la persistance des peuples autochtones dans le monde, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones affirme le « … besoin urgent de respecter et de promouvoir les droits inhérents des peuples autochtones… en particulier leurs droits sur leurs terres, territoires et ressources » (p. 140).

Payne, H.; Steele, M.; Bingham, J.; & Sloan, C. (2017). Identifying and reducing disparities in mental health outcomes among American Indians and Alaskan Natives using public health, mental healthcare and legal perspectives. Administration and Policy in Mental Health, doi: 10.1007/s10488-016-0777-7.

Cet article s’appuie sur trois perspectives différentes : la santé publique, la justice et la santé mentale, et émet des recommandations fondées sur des données probantes pour aider à réduire les lacunes en santé mentale touchant les Amérindiens et les Autochtones de l’Alaska (notamment en ce qui concerne le suicide chez les jeunes). Chaque perspective est décrite en détail, ce qui permet de mieux comprendre les inégalités qui affectent les jeunes Autochtones.

Les recommandations sont issues d’une intégration des connaissances acquises dans les domaines de la santé publique, de la justice et de la santé mentale. Elles comprennent : un financement accru pour l’évaluation des inégalités en santé mentale et leur réduction; du soutien pour les interventions sensibles à la culture, et l’assurance que les pratiques de financement sont calquées sur les principes de l’autodétermination tribale.

Rudolph, K. R. & McLachlan, S. M. (2013) Seeking Indigenous food sovereignty: Origins of and responses to the food crisis in northern Manitoba, Canada. Local Environment, 18(9), 1079-1098.

Le système de réserves, introduit dans les années 1800, a considérablement modifié les pratiques alimentaires autochtones, et maintenant l’industrie et le développement séparent davantage les gens de la terre et des pratiques connexes. Ces facteurs et d’autres ont conduit à la dépendance et au manque d’autodétermination qui, à bien des égards, est au centre de l’approvisionnement alimentaire. En conséquence, il existe maintenant une crise alimentaire et une mauvaise santé dans de nombreuses communautés autochtones du nord.

Cette étude montre que les réponses localisées des communautés touchées sont multiples et comprennent des éléments tels que : « la renaissance des traditions alimentaires traditionnelles, des jardins individuels et communautaires, de l’agriculture dans le Nord et des aliments importés de meilleure qualité » (p. 1079). Certains participants ont souligné que « la souveraineté alimentaire ne serait atteinte que par la souveraineté politique » (p. 1091). Quelle que soit l’approche adoptée, il est important que la prise de décision soit « dirigée par la communauté, qu’elle soit appropriée sur le plan culturel en qu’elle reflète les priorités locales, afin de faire face efficacement à la crise alimentaire dans le Nord, et, en fin de compte, … d’œuvrer à la souveraineté alimentaire des Autochtones de manière efficace » (p. 1079).

Ryser, R.; Bruce, H.; Gilio-Whitaker, D.; & Korn, L. (2019). Tribal food sovereignty assessment: Toward control of food. Fourth World Journal, 17(2), 62-91.

Cette évaluation entreprise en 2016 vise à connaître les souhaits et les opportunités des peuples tribaux en matière de souveraineté alimentaire, ainsi qu’à obtenir une image claire de leur expérience actuelle d’accès à la nourriture. Les objectifs ultimes incluaient l’élimination de la faim et l’identification « d’actifs, de ressources, d’institutions et de leaders communautaires qui peuvent être mis à profit au profit du système alimentaire communautaire » (p. 64). Le processus implique des sondages et un cercle de discussion.

Le rapport comprend le récit d’histoires d’origine et les enseignements et cérémonies connexes, qui sont tous centrés sur une vision collective à long terme de la santé et du bien-être holistiques qui est cultivée en relation avec la terre, les plantes et les cours d’eau. Surtout, les communautés tribales sont également liées les unes aux autres et, grâce à de nombreux rituels et pratiques, elles se sont développées et sont restées fortes en travaillant ensemble. Ces pratiques et rituels impliquent souvent de se déplacer de façon saisonnière en ce qui concerne la nourriture et d’autres ressources, et de travailler ensemble pour préparer et conserver les aliments pendant les périodes de l’année où ils étaient moins abondants. À travers tout cela, les sociétés se soutiennent dans toute leur complexité, et des pratiques culturelles et spirituelles sont exercées pour maintenir le contrôle (la souveraineté) sur l’accès à la nourriture.

Un inventaire complet des aliments et régimes traditionnels – ainsi que de leur valeur nutritionnelle – a également été compilé et partagé dans ce rapport. Les résultats de l’enquête auprès des ménages sont détaillés. Dans l’ensemble, neuf personnes sur dix ont indiqué qu’elles choisiraient une nourriture traditionnelle si cela leur était accessible; cependant, au moment des sondages, entre huit à dix personnes avaient accès à des aliments non traditionnels dans les histoires relatives aux épiceries. Cela se traduit en des millions de dollars qui quittent la communauté et qui pourraient autrement être redirigés pour soutenir l’alimentation locale et d’autres initiatives.

Treize recommandations politiques incluent des stratégies spécifiques pour accroître l’accès aux aliments traditionnels, réduire l’accès aux aliments malsains, continuer à sensibiliser et recueillir des informations, soutenir les pratiques alimentaires culturelles (et le renforcement des compétences connexes) et garantir que les ressources économiques soient maintenues au sein de la communauté.

Strickland, J. & Cooper, M. (2011). Getting into trouble: Perspectives on stress and suicide prevention among Pacific Northwest Indian youth. Journal of Transcultural Nursing, 22(3), 240-247.

Le point de vue des jeunes est souvent absent de la recherche. « Dans cette étude ethnographique descriptive menée dans une tribu du nord-ouest du Pacifique, le but était de comprendre les expériences de vie des jeunes » (p. 240). Les données ont été recueillies auprès de trois groupes de discussion sur une période de deux ans, ainsi qu’au moyen « d’observations dans les écoles, à la maison et lors d’événements communautaires » (p. 242). Tous les jeunes qui ont participé à cette étude étaient considérés comme « à risque » de suicide.

Les histoires relatées par les jeunes qui ont participé à cette étude tournaient souvent autour des « problèmes rencontrés » à l’école, avec la police et dans la famille. Ils avaient l’impression qu’« être Autochtone » les mettait en danger» (p. 243) et que souvent les stratégies qu’ils avaient développées pour faire face à cette situation, leur apportaient encore plus de problèmes. « Ils espéraient le renforcement des valeurs et des activités culturelles, le développement économique, l’unité tribale et la possibilité d’apporter quelque chose de positif à la tribu » (p. 246).

Les auteurs soutiennent que cette étude appuie les recherches existantes et ils croient en « l’importance des interventions au niveau du système pour renforcer la culture et lutter contre les injustices sociales » (p. 246).

Des études mettant en évidence des partenariats novateurs

Allen, J.; Mohatt, G.; Beehler, S.; & Rowe, H. (2014). People awakening: Collaborative research to develop cultural strategies for prevention in community intervention. American Journal of Community Psychology, 54, 100-111.

Le projet People Awakening est une collaboration à long terme entre les communautés autochtones de l’Alaska et les chercheurs universitaires qui désirent promouvoir l’équité en santé en développant des solutions positives face aux inégalités » (p. 100). Le projet People Awakening tente de remédier aux restrictions énoncées dans la documentation de recherche, lesquelles sont traitées en détail dans cet article.

Cet article présente ensuite les éléments clés de la démarche, les modèles conceptuels et les conséquences à tirer de ce projet de recherche participative. Il est particulièrement important que les théories qui sous-tendent ce travail soient harmonisées à la culture et que le processus relationnel du travail lui-même soit compris non pas en tant que moyen de parvenir à une fin mais comme une partie intégrante de l’intervention. Le projet est décrit comme étant motivé par la culture et non pas seulement imprégné de celle-ci. Pour les auteurs, le projet est un modèle de collaboration qui ouvre la voie aux idées nouvelles.

Finlay, J.; Hardy, M.; Morris, D.; & Nagy, A. (2010). Mamow Ki-ken-da-ma-win: A partnership approach to child, youth, family and community wellbeing. International Journal of Mental Health and Addiction, 8, 245-257.

Cet article présente une initiative appelée Mamow Sha-way-gi-kay-win qui signifie « tout le monde cherche ensemble des réponses ». Ce modèle est proposé pour l’établissement de partenariats entre Premières Nations et non-Autochtones, des partenariats qui « guérissent, perdurent et facilitent l’échange et le développement des ressources » (p. 246). Cette initiative n’est pas exclusivement centrée sur la prévention du suicide, mais sur des approches relationnelles et collaboratives pour résoudre les difficultés des communautés. Le partenariat présenté ici est un « partenariat de développement, établi en collaboration avec les chefs des Premières Nations, les aînés, les jeunes et les membres de la communauté vivant dans 30 collectivités éloignées du nord-ouest de l’Ontario et 100 personnes et organismes bénévoles du sud de l’Ontario ». L’idée est qu’un cadre de référence peut aider les communautés à déterminer leurs propres points de départ pour la création de partenariats pour le bien-être des communautés, en fonction de leurs configurations uniques.

Dans une section dédiée au suicide chez les jeunes, les auteurs s’appuient sur les travaux de Chandler et Lalonde pour montrer comment aborder des facteurs sociaux, politiques et culturels, tels que ceux indiqués dans le cadre de référence, et comment cela peut aider à soutenir les initiatives de prévention du suicide chez les jeunes. Il y est clairement affirmé que ce ne sont pas toutes les communautés des Premières Nations qui font face aux mêmes défis (y compris le taux élevé du suicide chez les jeunes); cela explique pourquoi les interventions centrées sur la communauté sont si importantes. Jusqu’à présent, la démarche a été entreprise auprès de sept communautés et l’échange d’information entre communautés est considéré comme en faisant partie intégrante.

Les évaluations s’effectuent de diverses façons et les initiatives de renforcement des capacités sont amorcées localement. Dans la conclusion, on souligne qu’il s’agit d’un processus évolutif et que les résultats des évaluations réalisées jusqu’à maintenant ne sont pas présentés explicitement.

Isaak, C.; Campeau, M.; Katz, L.; Enns, M.; Elias, B.; Sareen, J.; & Swampy Cree Suicide Prevention Team. (2010). Community-based suicide prevention research in remote on-reserve First Nations communities. International Journal of Mental Health and Addiction, 8, 258-270.

Reconnaissant qu’au chapitre des interventions communautaires, il n’existe que très peu de recherches fondées sur des données factuelles, les auteurs affirment que nous devons apprendre à mieux faire de la recherche dans les communautés. En particulier, cet article se penche sur une collaboration entre une équipe d’organisation tribale et une université des Premières Nations et les communautés des Premières Nations du Manitoba : l’équipe de prévention du suicide des Cris des marécages (Swampy Cree).

Le projet de recherche-action participative décrit dans l’article et qui s’intitule : « Des facteurs de risque à des interventions adaptées à la culture » a sollicité l’intervention de la communauté de façon équitable à chaque étape de la recherche. Le fait que certains chercheurs aient déjà interagi avec les communautés a grandement contribué au succès du projet. L’étape initiale du projet consistait à s’assurer que le savoir autochtone en constituerait la pierre angulaire. On a aussi passé beaucoup de temps à visiter les communautés et à établir de bonnes relations, et on a nommé des agents de liaison et formé des conseils consultatifs communautaires.

On a également fait face à des défis, notamment le fait que la recherche a servi de moyen de colonisation, et que par conséquent, les communautés des Premières Nations peuvent, et avec raison, en être particulièrement sceptiques. Les sections sur les leçons apprises traitent du besoin de négocier les différences entre les approches autochtones et occidentales à la démarche de recherche.

Rocha, C. & Liberato, R. S. (2013). Food sovereignty for cultural food security: The case of an Indigenous community in Brazil. Food, Culture, and Society, 16(4), 589-602.

En réponse à un certain nombre de facteurs politiques, économiques et culturels complexes, un groupe composé de divers peuples autochtones s’est réuni pour acheter collectivement des terres et « œuvrer à « ancrer de nouveau » leurs maisons dans un nouvel environnement » ensemble (p. 589). Le village de Cinta Vermelha-Jundiba (CVJ) offre une occasion unique d’explorer le renforcement des communautés autochtones et l’affirmation de la souveraineté alimentaire comme élément central de la préservation de l’identité.

Les auteurs précisent que « la souveraineté alimentaire est souvent considérée comme une condition nécessaire à la sécurité alimentaire » et que « l’appartenance » est essentielle pour y parvenir (p. 591). Ceci est particulièrement important pour les communautés autochtones du monde entier, qui ont « constaté une baisse constante de la disponibilité de leurs aliments traditionnels, en raison des changements environnementaux, des projets de « développement » …, de la migration vers les zones urbaines et / ou de la perte des connaissances traditionnelles et les compétences » (p. 592), à travers les impacts de la colonisation. L’accès à la terre est essentiel à la fois pour la souveraineté alimentaire et la sécurité alimentaire – ainsi, les peuples autochtones qui ont été déplacés ou dont le territoire est empiété sont profondément touchés.

Les intentions de l’achat collectif de terres CVJ au Brésil étaient multiformes : reconstruire les écosystèmes naturels pour qu’ils puissent enseigner aux enfants les rituels, accéder aux aliments traditionnels, créer des bijoux et récupérer des manières d’être (culturelles et économiques) qui se développent en relation avec la terre. Les plantes sont au cœur de tout cela. Et étant donné qu’il s’agit de processus relationnels, de nouvelles traditions (telles que les façons de cuisiner) se sont développées alors que les gens travaillaient ensemble pour atteindre ces objectifs. Les cultures sont vivantes et évoluent les unes par rapport aux autres tout le temps – travailler ensemble avec la terre pour accroître la souveraineté alimentaire de CVJ a créé les conditions pour que cela se produise. Cela a généré un fort sentiment d’appartenance chez les membres de la communauté. Le rapprochement des cultures autochtones à travers des pratiques liées à la souveraineté alimentaire a été considéré comme une « réinvention culturelle, une reconstruction ethnique et une résistance aux forces économiques et politiques qui les ont historiquement marginalisées et presque détruites » (p. 597).

Ruelle, M. (2017). Ecological relations and Indigenous food sovereignty in Standing Rock. American Indian Culture and Research Journal, 41(3), 113-125.

« Il y a vingt ans, dans l’ancienne ville de Tlaxcala, au Mexique, la Vía Campesina a articulé une vision de la souveraineté alimentaire comme le droit et la capacité des communautés et des nations à déterminer leurs propres systèmes alimentaires » (p. 113). Les peuples autochtones ont joué un rôle important dans ce mouvement et continuent de le faire encore aujourd’hui. La souveraineté alimentaire fait partie d’une lutte plus large pour « l’autonomie politique, culturelle et écologique » telle qu’articulée dans la DNUDPA et en réponse à des siècles d’abus coloniaux qui ont laissé de nombreuses populations autochtones en difficulté (p. 113).

La nourriture n’est pas uniquement une question de nutrition. Pour de nombreux peuples autochtones, il s’agit de relations écologiques sacrées avec d’autres êtres humains et non humains (vivants et non vivants). Ces relations sont reconnues lors de cérémonies et favorisent le bien-être non seulement des individus, mais au niveau communautaire. Ainsi, la perte de souveraineté alimentaire a « des conséquences désastreuses pour la santé et le bien-être des peuples autochtones » (p. 114). Après avoir expliqué comment le colonialisme a perturbé ces relations écologiques pour les peuples Lakota et Dakota de Standing Rock, l’auteur élabore sur les efforts récents pour restaurer ces relations comme base de la souveraineté alimentaire, et comment cela contribue à la durabilité des peuples.

Compte tenu de la perturbation qui s’est produite, le fait de connecter les jeunes aux plantes et aux animaux – en grande partie en les reliant aux aînés et à la terre – est essentiel pour regagner la souveraineté alimentaire des Autochtones. Des partenariats créatifs (avec le projet de jardins indigènes, d’un programme sur le diabète et d’un club garçons et filles, par exemple) ont facilité ces relations. L’établissement de relations entre les jeunes, les plantes, les terres et les aînés est essentiel. Cela se produit également grâce à des alliances entre les jardins communautaires, les marchés fermiers, les centres pour personnes âgées, les programmes de nutrition, etc.

Certains obstacles existent. Par exemple, les jardins communautaires nécessitent beaucoup de travail ; les programmes de bons sont limités par les restrictions de la FDA sur les types d’aliments qui peuvent être distribués, et les marchés peuvent transformer les relations avec les systèmes alimentaires en une relation qui est marchandée. Tous ces éléments doivent être pris en considération, et ils peuvent également être traités par des relations et un échange de connaissances respectueux.

La tradition est vitale pour la souveraineté alimentaire autochtone. Certaines nouvelles technologies ont facilité la conservation des aliments traditionnels, et certaines adaptations sont apportées en incorporant de nouveaux ingrédients – les traditions sont vivantes et dynamiques. Cependant, certaines nouvelles façons de faire (politiques et programmes) introduites par l’État colonisateur ont considérablement interféré avec la durabilité de certaines traditions et relations avec les systèmes alimentaires. C’est là que l’autodétermination devient très importante dans toute initiative de souveraineté alimentaire autochtone. Les fonds fédéraux sont souvent utilisés pour soutenir ces initiatives et doivent être distribués d’une manière qui sert à réparer (certains) des torts historiques – et non à renforcer l’hégémonie de l’État colonisateur.

Des études à l'appui d'approches culturellement et socio-politiquement éclairées

Barker, B.; Goodman, A.; & DeBeck, K. (2017). Reclaiming Indigenous identities: Culture as strength against suicide among Indigenous youth in Canada. Canadian Journal of Public Health, 108(2), e208-e210.

Ce commentaire fait remarquer de façon explicite que le suicide chez les peuples autochtones du Canada est le résultat du « traumatisme infligé par la colonisation du Canada » (p. e208) et que,  conséquemment, les interventions face à la hausse récente des tendances suicidaires chez les Autochtones doivent tenir compte de la culture. Les auteurs examinent le potentiel de croissance de l’ensemble des données probantes sur la « culture en tant que traitement » (p. e208). Reconnaissant l’inefficacité générale des approches occidentales en matière de prévention du suicide dans le contexte autochtone, ils se penchent sur la série d’indicateurs qui font un rapprochement entre la santé des peuples autochtones et l’identité et la culture.

La culture en tant que traitement a été plus largement utilisée dans le cadre du traitement de la toxicomanie, mais elle est de plus en plus reconnue pour sa valeur en prévention du suicide. Ce dont il faut se rappeler, c’est que cette approche nécessite une rétroaction communautaire, et ne peut être normalisée pour une mise en œuvre uniforme d’une communauté à une autre. « Compte tenu du lien établi entre la perte de culture autochtone et le risque de suicide, la réappropriation et la revitalisation culturelles pourraient constituer une étape cruciale dans la réduction du taux de suicide chez les jeunes Autochtones » (p. e209). Cette déclaration indique également que la culture en tant que traitement présente un fort potentiel lorsqu’elle est accompagnée de changements systémiques plus vastes.

Chandler, M. & Lalonde, C. (1998). Cultural continuity as a hedge against suicide in Canada’s First Nations. Transcultural Psychiatry, 35(2), 191-219.

Quatre hypothèses fondées sur des données empiriques sous-tendent ce travail : (1) que les jeunes se suicident plus souvent que les adultes; (2) que ceux dont la culture est assiégée sont plus à risque de se suicider; (3) que « les adolescents suicidaires se caractérisent par leur incapacité de maintenir un sentiment de continuité personnelle » (p. 3); et (4) que « les groupes des Premières Nations marqués par les efforts de leur communauté pour atteindre un plus grand sens de continuité culturelle afficheront un taux de suicide moindre » (p. 3). Les deux derniers points ne sont pas nécessairement compris de tous, et c’est sur ceux-là que les auteurs de cette recherche se sont attardés.

Si les gens comprenaient ces quatre points collectivement, les efforts de prévention du suicide seraient très différents. Plutôt que de se concentrer sur le soulagement de symptômes de dépression individualisés, ils se concentreraient sur l’amélioration de la continuité culturelle et personnelle. La justification théorique et empirique de l’argument ci-dessus est amplement développée dans l’article, tout comme les définitions des divers concepts qui sous-tendent ce travail.

Clark, N. (2016). Shock and awe: Trauma as the new colonial frontier. Humanities, 5(14), 1-16.

S’inspirant de ses propres recherches et du travail auprès de jeunes filles, l’auteure de cet article souligne l’importance de s’appuyer sur des cadres de référence autochtones lorsqu’on travaille avec de jeunes Autochtones.

Ce faisant, elle émet une critique cinglante des discours dominants sur les traumatismes, lesquels tendent à être à la fois individualisés et médicalisés. Cette approche masque l’aspect politique du traumatisme, ainsi que les complexités et les intersections qui instruisent l’expérience humaine. Cela est très dommageable, car une compréhension individualisée du traumatisme contribue en fait à une plus grande marginalisation et à la stigmatisation de certaines populations. Elle insiste sur le fait que « la construction actuelle du traumatisme continue de créer un sujet colonial qui nécessite une intervention, un soutien et un sauveur. La focalisation sur le traumatisme en tant que problème de santé individuel, comme dans cette histoire de filles, empêche et masque une focalisation plus critique et historique sur les problèmes sociaux dans un état (néo) colonial qui contribue à la violence et aux préjudices » (p. 2).

En réponse à cette critique, l’auteure offre des possibilités encourageantes et pragmatiques, basées sur le fait que « la connaissance de la façon d’aborder la violence et le mieux-être dans nos communautés a toujours existé » (p. 5). Fait important, elle fait ressortir que les premiers militants autochtones « n’ont pas dissocié leur actions militantes entourant les droits tribaux et le droit à l’eau de leurs actions militantes contre les violences du colonialisme » (p. 6). En critiquant non seulement les approches au traumatisme de la culture dominante, mais en centrant délibérément les façons d’apprendre, la résistance, l’espace relationnel, le témoignage et l’établissement de la vérité et le militantisme autochtones, elle décrit « l’intersectionnalité autochtone » comme une voie prometteuse. Elle nous exhorte à développer et à mettre en œuvre des modèles de traitement des traumatismes fondés sur des cadres de référence autochtones.

de Finney, S. (2017). Indigenous girls’ resilience in settler states: Honouring body and land sovereignty. Agenda, 31(2), 10-21.

L’auteure insiste sur le fait que de politiser activement la résilience la montre sous un jour obscurci par des conceptualisations individualisées (actuellement dominantes). Selon elle : « Considérant que les filles et les communautés autochtones ont survécu des centaines d’années dans un contexte de violence sexuelle et sexiste perpétuel, la résilience dont elles ont fait preuve a pris des formes des plus impressionnantes. À l’évidence, par opposition à la dominance patriarcale coloniale omniprésente, il faut repenser et repolitiser les conceptualisations psychosociales de la « résilience » des filles autochtones » (p. 10).

À partir de là, l’auteure explique comment le colonialisme et le capitalisme pris ensemble, continuent de représenter les filles, les femmes et la terre en tant que biens. Cette façon de voir a mené à de nombreuses atrocités qui dévalorisent certaines vies et contribuent à : (a) la violence à leur endroit, et (b) au mépris systémique envers les gestes de résistance à cette violence. Cela a par conséquent contribué à la psychologisation du traumatisme et de la résilience, les faisant porter par les individus plutôt que de les percevoir comme des dynamiques sociopolitiques. En « dépsychologisant » délibérément la résilience (p. 14), l’auteure fait remarquer le pénible paradoxe voulant que certains systèmes déployés pour traiter les traumatismes à l’intérieur d’un cadre de référence psychologique sont en réalité les mêmes qui ont engendré la violence et la tyrannie.

Elle redéfinit ensuite la résilience comme étant la souveraineté (du corps et de la terre), faisant valoir que la promotion de la résilience doit passer par l’action sociale et politique.

Elliot-Groves, E. (2017). Insights from Cowichan: A hybrid approach to understanding suicide in one First Nations’ collective. Suicide and Life-Threatening Behaviour, 1- 12. DOI: 10.1111/sltb.12364

Cet article fait référence à une partie d’une étude plus vaste « conçue pour expliquer l’idée que les membres des tribus Cowichan se font du suicide par rapport aux expériences contemporaines et historiques » (p. 3). Vingt et un membres de la tribu ont été interrogés et d’autres données ont été tirées des observations et notes prises sur le terrain. Les entrevues visaient à obtenir de l’information sur les expériences quotidiennes des participants, les croyances liées au suicide et des idées d’intervention convenant à la communauté. Fait important, le chercheur était un membre de la communauté dans laquelle la recherche était menée.

Les conclusions de l’étude suggèrent que le suicide chez les tribus Cowichan s’explique de multiples façons, incluant les expériences individuelles et collectives, et un mélange des deux. Dans son analyse des données, l’auteur évoque à la fois la théorie interpersonnelle du suicide et la théorie colonialiste. Une recommandation suggère que « l’orientation interdépendante des communautés tribales nécessite le développement de programmes communautaires pour encourager la participation des individus, ainsi que du collectif » (p. 10).

Gone, J. (2013). Redressing First Nations historical trauma: Theorizing mechanisms for indigenous culture as mental health treatment. Transcultural Psychiatry, 50(5), 683- 706.

Le traumatisme historique (HT) est une importante « construction contre-colonialiste » (p. 688) dans la mesure où il préserve l’aspect relationnel et se centre sur la pathologie sociale plutôt que sur « des cerveaux endommagés » (p. 688), et qu’il ouvre à des possibilités d’éducation culturelle autochtone et à la participation cérémoniale au service d’un puissant renouvellement du sentiment d’appartenance tribale » (p. 688).

Les bases étant ainsi jetées, l’auteur consacre le reste de son article à une étude de cas faisant partie d’un projet de recherche plus vaste qui se déroule dans un pavillon de ressourcement situé dans une réserve algonquine du nord du Manitoba. Ce pavillon de ressourcement participe ouvertement à une « renaissance culturelle » qui promeut « une forte appartenance culturelle autochtone en tant que remède à l’anomie et à ses maux associés, comme la violence, le dysfonctionnement familial et la toxicomanie » (p. 690).

Se concentrant plus particulièrement sur l’histoire d’un survivant des pensionnats ayant fréquenté le pavillon de ressourcement, l’auteur démontre que « pour les survivants, l’expérience des pensionnats a laissé des séquelles similaires sur les plans psychologique, social et spirituel,  ce que la notion de traumatisme historique était censé capter et représenter (p. 692). L’article se termine par la mise en contexte de l’expérience de Diane et du pavillon de ressourcement qu’elle a fréquenté dans le cadre de nombreuses expériences similaires témoignant avec force du « pouvoir guérisseur de la culture », sur la base de ces données factuelles ».

Gupta, C. (2015). Return to freedom: Anti-GMO Aloha ‘Aina activism on Molokai as an expression of place-based food sovereignty. Globalizations, 12(4), 529-544.

Le concept « aloha » « aina » (amour de la terre) guide les efforts sur l’île hawaïenne de Molokai et a des connotations politiques puisque la souveraineté alimentaire exige l’accès à la terre. En d’autres termes, cela fait partie d’un chemin vers une plus grande autodétermination autochtone.

L’auteur soutient que le mouvement anti-OGM donne un élan à ce travail de souveraineté, car il rassemble les populations autochtones et les colons. Elle soutient également qu’il peut y avoir des tensions dans ce travail entre les pratiques alimentaires communautaires et l’activisme politique, mais le concept d ’ « aloha ‘ aina’ offre un moyen de sortir de ce paradoxe. Le concept « des générations anciennes et… est à la base de la résistance hawaïenne à l’impérialisme depuis plus de 100 ans » (p. 532). Les enseignements qui y sont liés placent les humains comme les frères et sœurs plus jeunes de la terre et sont donc pris en charge par la terre grâce à une « relation familiale interdépendante réciproque » (p. 532). Il s’agit de nourrir le corps, l’âme et l’esprit dans le présent et pour les générations futures et, en tant que tel, cela invoque une responsabilité profonde.

Lorsque l’autodétermination autochtone est comprise à travers cette lentille, elle déplace l’attention des solutions fondées sur l’État vers les relations avec la terre – en partie à travers la souveraineté alimentaire et les pratiques communautaires connexes. L’article entre dans les détails sur les façons particulières dont l’activité actuelle à Molokai se déploie.

Hackett, C.; Feeny, D.; & Tompa, E. (2016). Canada’s residential school system: Measuring the intergenerational impact of familial attendance on health and mental health outcomes. Journal of Epidemiology and Community Health, 0, 1-10.

Il s’agit d’une étude quantitative approfondie qui explore les impacts intergénérationnels de la fréquentation des pensionnats. Les auteurs fondent leur travail sur le concept de traumatisme historique comme ayant un impact particulier sur les peuples autochtones. Ils ne limitent pas leur analyse des impacts intergénérationnels à la dynamique relationnelle entre les générations par suite de l’expérience des pensionnats, mais considèrent également les mécanismes biologiques potentiels par lesquels ces expériences traumatiques peuvent être transférées de façon intergénérationnelle (tirant parti de la recherche épigénétique) et aussi les mécanismes psychosociaux et communautaires.

Les résultats de cette étude indiquent en effet que pour ceux dont un membre de la famille avait fréquenté un pensionnat indien, « la probabilité de se sentir en mauvaise santé tant physique que mentale, de souffrir de détresse psychologique, d’avoir des idées suicidaires et de faire une tentative de suicide dans les 12 derniers mois augmente » (p. 8). En ce qui a trait aux conséquences pratiques, les auteurs font remarquer qu’en dépit de cette conscience des traumatismes intergénérationnels, la plupart des interventions ne tiennent pas compte des principes autochtones en matière de santé. En ce qui a trait aux implications en termes politiques, ils font valoir la nécessité d’une plus grande sensibilisation et d’une attention plus soutenue envers « l’héritage politique des pensionnats indiens » (p. 8), tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du système de santé.

Hatala, A.; Pearl, T.; Bird-Naytowhow, K.; Judge, A.; Sjoblom, E.; & Liebenberg, L. (2017). “I have strong hopes for the future”: Time orientations and resilience among Canadian Indigenous youth. Qualitative Health Research, 27(9), 1330-1344.

Cette étude examine comment le concept de temps, et en particulier une orientation vers l’avenir, peut influencer la résilience et les résultats de santé des jeunes Cris et Métis des plaines dans un contexte urbain au Canada. Il existe un vaste corpus de recherche démontrant un lien « entre une orientation vers l’avenir et la santé et le bien-être » (p. 1330). Lorsque les gens n’ont pas de vision d’avenir (et sont plutôt ancrés dans le temps présent), la probabilité de problèmes comme le jeu, la consommation d’alcool et le suicide chez les jeunes est plus forte. Cette étude vise à aborder les questions restantes sur la pertinence de cette question dans tous les contextes culturels, en particulier en ce qui concerne la résilience chez les jeunes Autochtones.

Après avoir décrit leurs méthodes et démarches de recherche, s’appuyant sur un engagement envers les protocoles autochtones et la responsabilisation relationnelle » (p. 1333), les auteurs relatent certaines conclusions importantes. L’une d’elles était le fait que les jeunes parlent de concepts pénibles (comme la colonisation) et d’expériences (comme les pensionnats et la rafle des années soixante) comme étant ressentis actuellement et non relégués à un passé lointain. Ces expériences actuelles d’un traumatisme historique étaient exacerbées par des expériences douloureuses, telles que le racisme manifeste et la violence familiale.

Une autre importante perception mentionnée était comment la « normalité de la négativité » (p. 1335) dans la vie de ces jeunes (à cause des expériences pénibles précitées) les a propulsés dans le monde adulte de façon précoce. Cela a contribué à un sentiment de perte (de leur enfance) et de leur perception de l’avenir en tant que concept utile ou positif.

Dans leur vie, tout cela a servi à créer des modèles souvent imprévisibles et une orientation future perturbée. En particulier, en cas de crise, de préjudice ou d’imprévisibilité, les jeunes se concentrent souvent sur le présent. Cela a « créé un écoulement du temps tronqué pour beaucoup de jeunes » (p. 1336).

À la lumière de cette information et sur la base de cette recherche, les auteurs ont formulé la recommandation suivante pour promouvoir la résilience chez les jeunes des Premières Nations : favoriser un sentiment d’appartenance, développer la maîtrise de soi et encourager la continuité culturelle. Mettre délibérément en pratique une orientation future dans le temps peut soutenir ces objectifs.

Isbister-Bear, O.; Hatala, A.; & Sjoblom, E. (2017). Strengthening Ahkameyimo among Indigenous youth: The social determinants of health, justice, and resilience in Canada’s north. Journal of Indigenous Wellbeing: Te Mauri – Pimatisiwin, 2(3), 76-89.

Cet article est fondé sur une analyse de travaux de recherche universitaire publiés entre 2000 et 2016, et met l’accent sur la résilience d’un point de vue autochtone. Ahkameyimo est un mot cri qui, traduit librement, veut dire « résilience ». C’est « le fait de ne pas abandonner, de continuer à travailler avec diligence pour atteindre un objectif ou d’apprendre à partir de ce que l’on tente de faire ou d’accomplir » (p. 77). Reconnaissant les nombreux obstacles auxquels les peuples autochtones continuent de faire face en raison de toute une panoplie d’impératifs sociaux, plus particulièrement la colonisation, et le risque accru de dommages supplémentaires causés par ces obstacles, les auteurs examinent la documentation qui éclaire sur la façon dont les jeunes du Nord ont acquis l’Ahkameyimo.

Les conclusions qui se dégagent de cette recherche incluent : se concentrer sur les liens avec la terre, « l’interaction dynamique entre un individu, sa culture et sa communauté » (p. 81), et reconnaître l’équilibre de la personne dans sa globalité (notamment sur les plans affectif et spirituel). La résilience met en jeu des compétences, mais ne se limite pas aux compétences ni aux qualités personnelles. Les pratiques traditionnelles (telles que la cueillette de baies ou de plantes médicinales et la chasse, en sont seulement deux exemples) ont été largement considérées comme favorisant la résilience, car elles intègrent tout ce qui précède.

Fait important, les auteurs signalent également comment, à cause de situations injustes, les jeunes Autochtones sont obligés de faire preuve d’Ahkameyimo simplement pour subvenir à leurs besoins. Encore une fois, en s’appuyant sur un vaste corpus de recherches, ils mettent l’accent sur les recommandations dont l’objectif est de changer ces conditions (plutôt que de préparer les jeunes à les gérer en permanence). Ces recommandations incluent l’intégration du point de vue autochtone sur la résilience dans les programmes et les politiques et, en bout de ligne, s’attaquer aux injustices sociétales pour alléger le fardeau disproportionné des jeunes Autochtones obligés de faire preuve de résilience face aux difficultés. Dans une telle société, l’accent pourrait autrement être mis sur « la promotion du sohkastwawin, ou de la force de l’esprit, du corps et du cœur » (p. 84).

McCarty, T.; Romero, M.; & Zepeda, O. (2006). Reclaiming the gift: Indigenous youth counter-narratives on native language loss and revitalization. The American Indian Quarterly, 30(1&), 28-48.

D’entrée de jeu, cet article souligne l’importance du lien entre la langue et l’identité. Avant l’arrivée des Européens, il y avait environ 300 à 500 langues autochtones parlées dans ce qu’on appelle à présent le Canada et les États-Unis. Aujourd’hui, il n’en reste qu’un peu plus de 200, mais très peu d’entre elles (16 %) ne pourront être transmises faute de nouveaux locuteurs. Les pertes que cela représente sont profondes et leur impact est plus que symbolique.

S’appuyant sur une étude de cinq ans sur les impacts « personnels, familiaux et scolaires » (p. 30) du « transfert linguistique et de la préservation de la langue autochtone » chez les jeunes (p. 30), les auteurs expliquent clairement que le but de leur recherche est de contribuer à la relance des langues autochtones. Ils ont interrogé 190 jeunes et adultes dans cinq écoles et lieux communautaires. En plus de ces entrevues, leurs méthodes de recherche incluaient l’observation des participants, des questionnaires et un examen des données sur les résultats scolaires.

Cet article porte plus particulièrement sur les contre-discours mentionnés au cours des entrevues. L’importance du rôle de la langue dans le renforcement du sentiment identitaire est ressortie dans de nombreuses entrevues. Bien que la langue ait contribué à créer un profond sentiment de fierté, il y avait aussi des histoires de honte. C’est pourquoi, dans bien des cas, les jeunes préféraient parler anglais bien qu’ils connaissaient leur propre langue. Dans cette communauté, on comprenait très bien sa langue autochtone, mais bien des gens se reconnaissaient une tendance à vouloir l’occulter. Les gens négocient constamment entre la fierté et la honte (et cette tendance est alimentée par une dynamique de colonisation qui perdure). De la même façon, les gens expliquaient de diverses façons leur ressenti par rapport à leur langue (faut-il s’en soucier ou pas, en a-t-on besoin ou pas). Fait intéressant, cela a amené les adultes à proposer diverses formes de soutien pour les jeunes, selon leur perception de l’importance de la langue pour eux et pour leur avenir. Dans cette optique, des points de vue intéressants ont été émis sur la valeur de la langue anglaise (et de la blancheur de la peau) pour réussir dans le monde. Les jeunes géraient constamment cela, tout comme leurs choix en matière de langue, de vêtements et de tout le reste.

En guise de recommandation, les auteurs suggèrent un ordonnancement stratégique des ressources pour soutenir la préservation de la langue au milieu de ces complexités. « La plupart des jeunes ayant participé à cette étude ont indiqué qu’ils tiennent à leur langue autochtone, la considèrent comme un élément essentiel à leur identité, veulent que leurs parents la leur enseignent et s’y attendent… et, dans bien des cas, ils l’utilisent en tant qu’outil stratégique pour faciliter leur apprentissage de l’anglais à l’école » (p. 43).

Ngcoya, M. & Kumarakulasingam, N. (2017). The lived experience of food sovereignty: Gender, Indigenous crops and small-scale farming in Mtubatuba, South Africa. Journal of Agrarian Change, 17(3), 480-496.

Cet article est centré sur une étude de cas d’une petite agricultrice en Afrique du Sud (Mme Fakazile Mthethwa, également connue sous le nom de Gogo Qho), qui se consacre à ne manger que ce qu’elle cultive. L’examen approfondi des pratiques d’une personne n’est pas de généraliser, mais de reconnaître que « la souveraineté alimentaire prend des formes uniques et diverses » en réponse à différents contextes et facteurs tels que le développement capitaliste (p. 481).

Les auteurs élaborent sur les conditions agricoles, géographiques et économiques uniques en jeu dans lesquelles se trouve Gogo Quo. Trois choses qui la distinguent des autres cultivateurs sont: 1) son engagement à ne consommer que ce qu’elle produit, 2) son approche permaculture / écosystème et 3) son intérêt à donner la priorité aux cultures indigènes. Après 14 ans de ce genre de pratique, elle a acquis une énorme quantité de connaissances sur les usages alimentaires et médicinaux de ces plantes. En tant que telle, sa vie peut également démontrer une « résurgence croissante du traditionalisme en Afrique du Sud post apartheid » – rendue possible grâce à la persistance de ces pratiques même pendant le régime de l’apartheid (p. 484).

Contrairement aux producteurs à grande échelle, Gogo Quo est « soucieuse d’équilibrer un certain nombre de priorités, plutôt que de maximiser les rendements et les champs uniquement ». Ainsi, la production alimentaire est un « mode de vie » – pas seulement un moyen de gagner sa vie (p. 485). Il est également lié à un concept plus large de santé et de bien-être qui inclut le bien-être spirituel et mental qui implique un lien plus profond avec les ancêtres qui est favorisé par les pratiques alimentaires. Une partie importante de sa pratique est la conservation des semences, qui est liée à la durabilité économique et aux pratiques rituelles et spirituelles. Une ancienne cérémonie de bénédiction des semences est en train d’être relancée, qui relie les gens les uns aux autres et à la terre et aux plantes – et implique également la prière pour les pluies.

Des défis existent: la marchandisation de la terre et le manque d’accès à celle-ci, la dévalorisation du « travail des femmes » comme l’entretien des terres et des cultures, des rôles sexospécifiques supplémentaires interférant avec les activités de culture alimentaire, les inégalités de classe et de race, et la dynamique de pouvoir qui s’y imprègne, rend l’action de persister dans les travaux de souveraineté alimentaire tels que ceux de Gogo Qho difficile. Fait intéressant, elle et de nombreuses autres femmes interrogées pour cet article ne voient pas le régime foncier individuel comme étant la réponse, car cela ne remet pas en cause les relations capitalistes existantes avec la terre. Il est nécessaire de penser la gouvernance et la tradition dans toute leur complexité, en vue de discussions significatives sur la souveraineté alimentaire.

Philip, J.; Ford, T.; Henry, D.; Rasmus, S.; & Allen, J. (2016). Relationship of social network to protective factors in suicide and alcohol use disorder intervention for rural Yup’ik Alaska Native youth. Psychosocial Intervention, 25, 45-54.

Cet article présente une intervention culturelle multiniveaux auprès des jeunes Autochtones de la nation yup’ik de l’Alaska vivant en milieu rural, touchés par le suicide et l’alcool, et met un accent particulier sur l’importance des réseaux. Dans la présente étude, 50 jeunes Yup’ik d’une communauté ont participé à une enquête sur les mesures de protection et 57 autres, à une enquête en réseau (la moyenne d’âge des participants était d’environ 15 ans et la proportion de filles et de garçons était près de 50/50). Cette étude était l’une des composantes d’un projet plus vaste.

Les auteurs fournissent moult détails sur leur méthodologie et leur démarche d’analyse et arrivent en bout de ligne, à d’importantes conclusions : les liens avec les adultes (par opposition aux pairs) sont perçus comme un important facteur de protection par rapport à la famille et à la communauté, mais pas sur le plan individuel. Les adultes sont constitués de la famille immédiate et élargie, des aînés et d’autres membres de la communauté. Cela parle de « la force qui est inhérente à la vie et à la culture de la communauté autochtone de l’Alaska, la famille constituant pour les jeunes un puissant réseau de soutien social » (p. 51). Les conclusions suggèrent également qu’« un réseau plus dense et une plus grande proximité peuvent avoir des effets bénéfiques sur les facteurs de protection de la famille » (p. 52). Pour les auteurs, « cette étude donne un exemple de l’utilité des facteurs de protection en tant que solutions de rechange aux approches de réduction des facteurs de risque » (p. 53).

Sareen, J.; Isaak, C.; Bolton, S.; Enns, M.; Elias, B.; Deane, F.; Munro, G.; Stein, M.; Chateau, D.; Gould, M.; & Katz, L. (2013). Gatekeeper training for suicide prevention in First Nations community members: A randomized controlled trial. Depression and Anxiety, 30, 1021-1029.

Cet article commence par présenter le concept de formation de sentinelles et le rôle que celles-ci ont joué dans la prévention du suicide. Bien que la recherche systématique n’ait pas encore prouvé son efficacité, cette approche de prévention du suicide est largement soutenue.

L’article se concentre sur un essai contrôlé randomisé dans lequel un groupe de participants avait suivi un atelier ASIST (une forme de formation de sentinelles) mettant un accent particulier sur la prévention du suicide et un groupe témoin qui lui avait suivi un séminaire sur la résilience (ne mettant pas particulièrement l’accent sur le suicide). L’hypothèse étant que ceux qui avaient participé à la formation de sentinelles seraient mieux outillés pour aider les personnes à risque de suicide, puisque les participants au séminaire sur la résilience n’avaient pas traité de suicide.

De l’avis des auteurs, il s’agissait du « premier ERC d’une intervention par une sentinelle auprès d’un échantillon provenant d’une communauté des Premières Nations vivant dans une réserve éloignée » (p. 1025). La principale constatation était que « la formation ASIST n’avait pas eu d’incidence particulière sur les résultats primaires ou secondaires de l’étude (p. 1025). En outre, la formation ASIST « n’avait pas augmenté le nombre de comportements prévus par la sentinelle au cours de la période de suivi de six mois » et les stagiaires ASIST « n’étaient pas plus en détresse psychologique lors du suivi » que le groupe témoin (p. 1025). Cependant, « on a observé une tendance à l’augmentation de l’idéation suicidaire chez les participants à l’atelier ASIST comparativement à ceux qui avaient bénéficié du séminaire sur la résilience ». (p. 1025).

Les résultats de cette étude ne concordent pas avec les évaluations non contrôlées qui apparaissent dans les autres écrits traitant de la formation de sentinelles (la plupart de ces évaluations n’ayant pas été réalisées dans les communautés des Premières Nations), mais correspondent aux résultats d’une autre ERC que les auteurs avaient retenue. La seule constatation entièrement nouvelle de cette étude concerne l’augmentation des idées suicidaires chez les stagiaires de l’ASIST. Bien que la différence entre les taux d’idées suicidaires autodéclarées n’ait pas été significative, les auteurs maintiennent qu’ils sont néanmoins préoccupants, surtout du fait que 5 des 7 personnes ayant déclaré une hausse de l’idéation suicidaire étaient des jeunes. Cela soulève des questions sur la pertinence de la formation de sentinelles pour les jeunes. Les auteurs suggèrent plusieurs explications possibles à cette constatation, dont aucune ne peut être corroborée par les données de la présente étude.

Saskamoose, J.; Bellegarde, T.; Sutherland, W.; Pete, S.; McKay-McNabb, K. (2017). Miyo-pimatisiwim developing indigenous cultural responsiveness theory (ICRT): Improving Indigenous health and well-being. The International Indigenous Policy Journal, 8(4)

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Cet article vise à remettre en question la prédominance des modèles théoriques occidentaux pour éclairer la recherche, les politiques et les pratiques en proposant une approche appelée théorie de la sensibilité à la culture autochtone (ICRT). Les auteurs sont clairs quant à leurs intentions de décolonisation; ils « ont créé ce modèle comme un acte manifeste de résistance pour contrer les lectures colonisatrices du monde dont le but est de détenir le pouvoir et des privilèges, en justifiant et en renforçant les politiques d’assimilation agressive qui visent à détruire le bien-être des Premières Nations » (p. 2).

Fondé sur la spiritualité et issu de cérémonies et d’un engagement communautaire, le modèle vise à promouvoir le bien-être des Premières Nations de la Saskatchewan au Canada. Les trois stratégies comprennent : la restauration des systèmes de santé et de mieux-être communautaires des Premières Nations; faire en sorte que la « coexistence mutuellement bénéfique » soit le principe de base de l’engagement entre les systèmes traditionnel et des Premières nations, et transformer « l’orientation générale de la prestation de services de sorte qu’elle réponde aux besoins culturels » (p. 2). Les auteurs recommandent que les approches décolonisées tiennent compte des traumatismes, des forces, de la communauté et de la spiritualité.

L’article parle du contexte historique particulier de la colonisation en Saskatchewan et semble indiquer que la culture en tant qu’outil d’intervention est une solution judicieuse. Les auteurs font également valoir le rôle de l’érudition autochtone dans la promotion des approches communautaires. Ils s’appuient en particulier sur le concept de « l’espace éthique » d’Ermine en tant que cadre d’orientation permettant aux sociétés ayant des visions du monde divergentes d’interagir (p. 7). De même, le concept micmac de « double vue » offre la possibilité d’interactions éthiques en dépit des différences (p. 8). Parmi les autres concepts qu’ils intègrent dans leurs recommandations, citons la « neurodécolonisation » (tirer des possibilités de l’idée de la neuroplasticité) et le « pouvoir guérisseur de la culture » (p. 10).

Les auteurs retrouvent tous ces concepts dans les enseignements autochtones traditionnels, démontrant une fois de plus l’importance d’une véritable décolonisation pour aider à trouver la direction en avant.

Snowshoe, A.; Crooks, C.; Tremblay, P.; & Hinson, R. (2017). Cultural connectedness and is relation to mental wellness for First Nations youth. Journal of Primary Prevention, 38, 67-86.

D’entrée de jeu, les auteurs de cet article reconnaissent que l’oppression systémique a contribué à la piètre santé mentale de nombreux jeunes des Premières Nations (PN), mais constatent par ailleurs que de nombreux jeunes des Premières Nations jouissent d’une excellente santé mentale. Afin de jeter la lumière sur cette disparité, ils ont fait porter leurs recherches sur les liens qui existent entre la culture et la santé mentale chez les jeunes des PN. En particulier, ils ont utilisé l’échelle de la connexité culturelle « pour faciliter une meilleure compréhension des mécanismes de résilience qui sous-tendent les liens culturels des jeunes des PN » (p. 70). Les études précédentes ayant utilisé cet outil ont pu dégager une telle corrélation, alors que la présente étude s’est penchée sur le lien de causalité (c’est-à-dire l’orientation de la corrélation).

Après avoir décrit en détail leur démarche de recherche (y compris les méthodes et l’analyse), les auteurs ont relaté certains résultats dignes de mention de leur étude. Premièrement, ils ont élaboré une version abrégée de l’échelle utilisée, ce qui devrait faciliter les recherches futures. Deuxièmement, les résultats de leur recherche font apparaître une corrélation entre la connexité culturelle et « l’autoefficacité, une raison d’être au présent et dans l’avenir, la connexité à l’école et la satisfaction dans la vie », et un lien causal avec l’orientation attendue. Et troisièmement, les résultats indiquent que la connexité culturelle « joue un rôle important dans notre compréhension de la foi que possèdent les jeunes PN en leur capacité d’accomplir des tâches et d’atteindre des objectifs » (p. 77).

Enfin, une très importante découverte a été réalisée en lien avec la spiritualité des PN. On a constaté que la spiritualité « est importante pour développer une conception cohérente de soi » et qu’elle « peut permettre de projeter cette conceptualisation dans l’avenir (par exemple, le but de la vie) » (p. 77).

Spurway, K. & Soldatic, K. (2016). ‘Life just keeps throwing lemons’: The lived experience of food insecurity among Aboriginal people with disabilities in the West Kimberly. Local Environment, 21(9), 1118-1131.

Les Autochtones handicapés sont parmi les personnes les plus exposées à l’insécurité alimentaire en Australie. Cela a des implications pour le bien-être économique et la santé physique. Dans les zones reculées de West Kimberly, le coût de la vie (et de la nourriture) est élevé et les personnes qui y vivent ont généralement de faibles revenus. Ceci, combiné à la discrimination autour du handicap, du racisme et du classisme, augmente la probabilité de souffrir d’insécurité alimentaire chronique.

Fait intéressant, cette recherche menée auprès d’autochtones handicapés (et de leurs aidants) indique que les moyens de faire face à ces défis impliquent souvent de se livrer à des pratiques alimentaires traditionnelles « dans le pays », y compris la pêche au crabe et sur les terres et les voies navigables traditionnelles. Cela génère le dialogue entre la souveraineté foncière, et la souveraineté ainsi que la sécurité alimentaire.

Les résultats de cette recherche indiquent que « l’exercice de la souveraineté alimentaire est nécessaire, et parfois le seul moyen possible, pour se prémunir contre les incapacités secondaires et d’autres maladies et maladies chroniques ». Et surtout, « l’accès à la terre et au pays – la souveraineté foncière – est inhérentes à la sécurisation de la souveraineté alimentaire des communautés autochtones » (p. 1127).

Walls, M.; Hautala, D.; & Hurley, J. (2014). ‘Rebuilding our community’: Hearing silenced voices on Aboriginal youth suicide. Transcultural Psychiatry, 51(1). 47-71.

Les auteurs présentent une « approche multiniveaux au traumatisme historique » (p. 49) et désignent explicitement la colonisation comme point de départ. Cette étude s’appuie sur une enquête longitudinale menée à la grandeur des États-Unis et du Canada. Des groupes de discussion se sont réunis dans trois réserves distinctes des Premières Nations du centre du Canada. « Les membres consultants de chaque réserve ont convenu de recruter des participants en vue de la tenue de deux séances de discussion distinctes dans chaque communauté : le premier groupe comprenait des aînés et le second, des fournisseurs de services » (p. 51). Finalement, tous les fournisseurs de services étaient eux-mêmes des membres de la communauté autochtone.

Bien que les théories derrière l’analyse multiniveaux incluaient la prise en compte de l’individu, de la famille et de la communauté (et plus encore), les participants n’ont pas indiqué les facteurs de risque individuels (comme la maladie mentale et la dépression). Il y avait cependant des « exemples de facteurs de risque interpersonnels dans les données » (p. 53), y compris des éléments tels que les épidémies de suicide et les obstacles à la communication (pour ne nommer que ceux-là). En ce qui a trait aux facteurs liés à la communauté, les deux thèmes qui sont ressortis des données étaient « (a) l’insuffisance des services et de la coordination, et (b) le manque de responsabilisation de la communauté» (p. 58). Tout au long de la discussion, on a également traité des macro-facteurs.

Les auteurs précisent que malgré que ces « niveaux » d’analyse puissent donner l’impression que ces facteurs sont indépendants, le « grand thème unificateur » entre tous et tout au long des discussions de groupe a été le « traumatisme historique » (p. 60). « Pour les participants, le traumatisme historique était une des causes fondamentales des problèmes sociaux contemporains. Trois sous-thèmes ont été relevés : (a) les effets de l’arrivée des Européens et des pensionnats, (b) la perte d’identité et (c) le retour à un mode de vie traditionnel” (p. 61).

Wexler, L. (2009). Identifying colonial discourses in Inupiat young people’s narratives as a way to understand the no future of Inupiat youth suicide. American Indian and Alaska Native Mental Health research: The Journal of the National Center. University of Colorado: Health Sciences Centre.

L’auteure fait observer que (1) le taux de suicide chez les jeunes des communautés autochtones est disproportionnellement élevé, que (2) certaines recherches attribuent ce phénomène aux bouleversements historiques subis par la communauté et au changement, mais que (3) très peu de chercheurs n’établissent expressément le lien avec les pratiques et la lecture actuelles de la colonisation Après avoir présenté un bref résumé de l’histoire, de la démographie et de la géographie de la région dans laquelle se déroule son étude, l’auteure décrit sa démarche de recherche-action participative.

Ses conclusions illustrent la difficulté d’adapter les valeurs occidentales que les jeunes Inupiat apprennent à l’école (le choix individuel étant prioritaire) aux valeurs traditionnelles de leur communauté (la prise de décision relationnelle étant prioritaire). L’idée de choix individuel porte à juger ceux (y compris soi-même) lorsque de « mauvaises » décisions sont prises, parce que cela ne tient pas compte de la façon dont la dynamique relationnelle influence les gestes posés. « Pris dans un étau relationnel, bien des gens ont l’impression d’avoir très peu de liberté d’action, même s’ils croient devoir être maîtres de leur vie » (p. 13), ce qui renforce et intériorise encore davantage le discours colonialiste qui fait que l’on blâme les autres de nos piètres résultats.

En plus de cela, les jeunes ont exprimé des perspectives d’avenir encore plus sombres sur la base de ce qu’ils voient, et ils s’attendent à ce que l’âge adulte soit encore plus angoissant et difficile que la jeunesse. Les jeunes sont également conscients que le stress peut être particulièrement éprouvant pour les hommes, qui ne parlent pas autant de leurs expériences affectives. Ces points de vue ont été formulés en réponse à la question « Pourquoi pensez-vous que les gens tentent de se suicider ou se suicident » (p. 15). « Dans un tel contexte, on pourrait comprendre que le taux de suicide alarmant chez les jeunes Inupiat est le résultat de la mise en échec de parcours sains par des discontinuités culturelles et une oppression active » (p. 16).

Wexler, L. (2014). Looking across three generations of Alaska Natives to explore how culture fosters Indigenous resilience. Transcultural Psychiatry, 51(1), 73-92.

Cet article prend comme point de départ un ensemble grandissant de travaux de recherche qui établissent un rapport entre la culture et des résultats positifs en matière de santé, la résilience et le bien-être des peuples autochtones. Il vise à contribuer à l’ensemble des connaissances en apportant une explication plus nuancée de ce rapport en examinant les similarités et les différences entre les cultures telles qu’on les comprend et leur rôle auprès de trois générations d’Inupiks. En examinant les diverses façons dont les jeunes, les adultes et les aînés « ont recours aux ressources culturelles pour surmonter les défis », il y a beaucoup à apprendre sur la résilience et le bien-être.

Les trois groupes ont discuté de l’oppression culturelle et tous percevaient la culture en tant que source de force. Les aînés ont également parlé des politiques ouvertement racistes et de l’impact qu’elles ont eu directement sur eux. Nombre d’entre eux ont tenté de s’adapter en trouvant un moyen d’harmoniser les manières de faire Inupik et occidentales. Les adultes ont mentionné l’impact intergénérationnel du traumatisme historique; avec le temps, nombre d’entre eux sont venus à se considérer comme des militants, luttant contre le système colonialiste. Ils ont démontré un engagement farouche à réclamer ce qui leur avait été volé, tout en reconnaissant les effets négatifs des injustices subies.

Les jeunes, en revanche, parlaient principalement de suicide. Bien qu’ils aient fait le lien avec d’autres luttes, et qu’ils aient une bonne idée de certaines choses que leurs parents avaient vécues, ils étaient davantage portés à faire le lien entre le suicide et le manque d’emploi et les dépendances qu’avec les politiques colonialistes et l’oppression culturelle. Certains d’entre eux se sont dits intéressés par les activités et les pratiques culturelles, mais ils trouvaient que ces activités entraient souvent en conflit avec d’autres de leurs intérêts et engagements (comme l’école, qui avait commencé durant la haute saison de la chasse) et qu’ils devaient privilégier. « Les jeunes n’ont pas indiqué à quel point ce calendrier favorisait les intérêts occidentaux au détriment des intérêts autochtones » (p. 84). En dépit de cela, nombre d’entre eux disaient avoir gagné en force grâce à leur culture, mais beaucoup avaient du mal à exprimer comment.

Fait remarquable, alors que les trois cohortes avaient connu de nombreux défis similaires, les jeunes « ne les ont pas exprimés dans le contexte du traumatisme historique, de la force de la culture ni même de l’expérience commune. Au lieu de s’appuyer sur des visions d’un passé et d’un avenir communs enracinés dans les valeurs et les traditions Inupiak, les jeunes ont associé les problèmes d’aujourd’hui à des problèmes personnels et à des difficultés familiales » (p. 87). Sans ce point de vue, ils étaient moins en mesure de se ressourcer dans la culture pour y puiser des forces pour affronter les défis. Cela fait apparaître la responsabilité collective de soutenir le mouvement dans cette direction.

Yellow Horse Brave Heart, M.; Chase, J.; Altschul, D. (2011). Historical trauma among Indigenous peoples of the Americas: Concepts, research, and clinical considerations. Journal of Psychoactive Drugs, 43(4), 282-290.

D’entrée de jeu, les auteurs déclarent qu’« un des objectifs à long terme des interventions en traumatologie historique est de réduire la souffrance affective des peuples autochtones des Amériques en développant des interventions adaptées à la culture et aux besoins des communautés afin d’améliorer la santé comportementale » (p. 282). Ils décrivent le concept de traumatisme historique comme étant « une blessure affective et psychologique cumulative, qui se transmet de génération en génération, qui influe sur l’espérance de vie et provient d’un immense traumatisme collectif » (p. 283), la colonisation étant responsable des inégalités sur le plan de la santé des populations autochtones.

Ils décrivent ensuite les réactions au traumatisme historique, lesquelles peuvent varier selon des facteurs comme le degré de violence et de mauvais traitements, le nombre de personnes au sein de telle communauté touchées directement (par les pensionnats, par exemple), le degré et le nombre de pertes personnelles et autres facteurs. Des recherches supplémentaires sur les réactions au traumatisme historique sont nécessaires, de même que sur l’efficacité des interventions actuelles utilisées pour y remédier.

Concernant les effets cliniques, les auteurs commencent par faire remarquer que la plupart des recherches sur le chagrin et le deuil ne tiennent pas compte de ce genre de pertes historiques profondes et collectives. Des leçons constructives doivent être tirées des expériences et des approches autochtones en matière de perte, de la même façon que les interventions relatives à la dépression et au SSPT (symptôme de stress post-traumatique) se doivent d’être conséquentes. Dans un effort pour aller dans cette direction, les auteurs se servent d’échelles développées par des tiers, notamment l’échelle de pertes historiques et l’échelle de pertes historiques et des symptômes associés, lesquelles contribuent à l’ensemble des données empiriques sur le traumatisme historique. Ils décrivent également l’Enquête sur les peuples autochtones des Amériques en cours d’élaboration au moment de la rédaction du présent article, soit une enquête « conçue pour éclairer la pratique clinique et la recherche sur l’efficacité des interventions tenant compte à la fois du traumatisme historique et du deuil non résolu ». On espère ainsi améliorer l’accès à la connaissance, y compris les approches autochtones en matière de guérison dans les communautés. À titre d’exemple, les auteurs relatent une intervention à court terme, fondée sur la culture, mettant particulièrement l’accent sur ces expériences.

Ils mentionnent en effet un certain nombre de préoccupations liées à la pratique; notamment : (1) trouver un juste équilibre entre l’étude des expériences collectives partagées (traumatisme historique lié à la colonisation) et la préservation de la diversité des populations et des communautés autochtones, (2) se pencher sur une oppression systémique qui perdure et les pratiques colonialistes, et (3) aborder les problèmes familiaux émanant de l’expérience des pensionnats. Ils concluent leur étude en recommandant la poursuite de recherches plus poussées, ainsi que « l’élaboration et l’évaluation constantes de modèles d’intervention fondés sur une lecture autochtone du monde» (p. 288).